Tuesday, 24 April 2012

Interlude Librairie: Le Regard Moderne/Paris

Très belle interview de Jacques Noël, du Regard Moderne, chez nos confrères de Gonzaï. On se permet d’en reprendre ici quelques lignes, immédiatement dans le vrai.
Pour le reste, le Regard Moderne, est situé 10 rue Gît-le-Cœur, à Paris, en face de ce qui fut le Beat Hotel. Mais tout cela, vous le savez déjà…

«Essayer de ré-aiguiller les gens qui peuvent être transportés par les livres. Trouver, avancer les petits événements de la littérature qui font que cela peut déranger le public. C’est bien aussi. On parlait tout à l’heure de l’importance des personnes que j’ai rencontré, c’est fabuleux,mais les plus passionnés sont souvent les plus intéressants. Par exemple Burroughs qui habitait la rue, ou même Sonic Youth. Un jour, ils ont débarqué dans un hôtel avec un loyer modéré en face de la librairie, et il sont entrés. Ils sont alors tombés sur un livre de traduction de leurs chansons en Français. Ils ont facilement eu l’envie et le plaisir de les chanter dans notre langue, comme ça, à l’intérieur de la boutique…(…) Il y a toujours un moment où tu peux te dire – et je me le suis dit quand même assez tôt: pas la peine de transposer ton savoir sur les autres. Ce n’est qu’un jeu au final, savoir ne pas partir sur quelque chose d’établi et passer du « c’est ça qui est bien»à une idée qui pourrait encore nous donner envie de bouger. Il faut avoir des yeux pour voir. Et c’est la meilleure façon de marcher en littérature.
-Y-a-t-il une rencontre qui professionnellement vous aurait particulièrement frappé ?
Les Throbbing Gristle. Je devais avoir à peine 20 ans, j’étais encore aux Yeux Fertiles. Ils avaient tous une force, des demandes. Ils voulaient comprendre le mal par tous les moyens, tout ce qui l’entoure. Oui, ils sont une première curiosité. Si en voyant ces gens là, qui avaient des aspects physiques redoutables – habillés en faux nazi, en treillis militaire – tu arrives à les aimer au premier coup d’oeil par ce que tu sais qu’au delà il y a quelque chose de complètement magique en eux…
-une volonté de se mettre soi-même dedans pour comprendre ?
Voilà c’est ça. Là il faut les aider, donc ça a été mon métier d’accompagner ces gens là pour les aider à trouver des livres qui correspondaient à leurs besoins. Après quand tu vois les Cramps – ouais on va prendre des groupes un peu sympathiques – arriver avec leurs ongles noirs et leur façon de fouiller, tu les laisse faire. Tu sais qu’ils vont trouver des trucs chez toi. Sans aide, simplement par magie.»

Monday, 23 April 2012

Saul Leiter - Colors - IDPure 2011


Je suis tombé par hasard sur ce catalogue, sur la table des livres d'art de la librairie de mon quartier. Je ne connaissais pas Saul Leiter, mais sa couverture typographiée a attiré mon oeil. Un beau jaune, un Colors rouge tronqué, quelle sorte d'art pouvait-on trouver dans ce petit livre ?

En l'ouvrant, j'ai cru retrouver ces peintures hyperréalistes américaines des années 1970/80 que j'aime en cachette, avec leurs vains hommages de peintres faussement classiques à la nouvelle reine photographie. Sauf qu'une lecture de la petite interview qui clôt cet ouvrage m'a offert ce twist définitivement "post-postmoderne", comme disait Devo dans un (mauvais) maxi des années 1980 : Saul Leiter est un photographe. Un photographe dont les images ont ces couleurs irréelles des premières pellicules chromatiques, et dont les sujets, qui s'étalent sur une décennie, 1950-1960, sont des détails infimes de paysages, de personnages, de villes (il n'y a que des villes ici) que nous, les habitants du XXIème siècle, ne connaissons qu'en noir et blanc.

Au hasard des pages, on trouve un soulier posé sur une banquette de train, au bout d'une jambe qu'on ne voit pas. Des murs recouverts d'affiches multicolores. Des passants anonymes, flous et lointains. Des fenêtres, des quantités de fenêtres, embuées, obturées, ouvertes, fermées, vues de l'intérieur, vues de l'extérieur. Parfois, un buste de femme, nu, entraperçu à travers un rideau ou dans le reflet d'une vitre. Ou cette image sidérante d'une main sale, dont on découvre en regardant plus attentivement qu'elle enroule une tête face contre terre, au pied des marches d'un escalier métallique.

Tous ces clichés sont muets mais lourds de sens, de soupçon, comme une succession de scènes secrètes saisies à la dérobée par un espion ou un paparazzo. Ils sont tout ce qu'une photographie doit être : un cadre, un filtre, un regard.

Friday, 20 April 2012

Come on in my kitchen: The Robert Johnson Book, 2012

Il y a un million de raisons valables d'acheter ce livre de 377 pages sur le Robert Johnson - je veux dire, même si vous n'habitez pas Francfort. Comme: On y croise pleins de gens qui ont l'air heureux (ça se voit aux pupilles, il parait). On y voit des photos d'Ata ou de Ricardo a l'âge ingrat. Ivan Smagghe (mieux connu ici sous le sobriquet xgatitox) y donne une liste commentée de disques qui lui rappellent le club - et bien sur, une bonne moitié ne sont JAMAIS sortis (sans quoi c'est pas drôle). Ewan Pearson tente de répondre à la question (délicate) de How Can There Be "another last record". Krikor a un blouson de couleur dont je suis jaloux (même si je doute porter aussi bien le blouson de couleur). Sven Vath est blond. Hell est blond (aussi). On ne fait jamais assez de livres sur les clubs. On ne fait que trop rarement des (bons) livres sur les (bons) clubs. Et puis, raison suprême... il y a Harvey. Et quand Harvey, ce Moïse baléarique, édicte ses Dix Commandements, on arrête de bosser cinq minutes, tout devenant soudainement relatif (pourquoi n'élirait-on pas ce mec comme prochain président? est-il encore temps?) The Ten Commandments or the Sarcastic Disco Decalogue, by DJ HARVEY
-I David is god; Larry and Ron are the son and the holy ghost.
-II Thou shalt not be a piss head.
-III Thou shalt never leave ones records in the car.
-IV Knowledge is power.
-V The white devil will gouge you eyes out.
-VI Selection will always trump the mix.
-VII Thou shalt not believe one hype.
-VIII Thou shalt not covert another DJ’s record collection.
-IX Thou shalt not take ones guns to town.
-X Love is the message.
-XI Tony Humphries, Nicky Siano, Mark Moore, Frankie Foncett, Danny Rampling, Chocci and Rev.
Come on in my kitchen: the Robert Johnson Book Christoph Keller Editions, Allemagne, 2012

Wednesday, 11 April 2012

Quote


Pix : Wallace Berman

« C’était le 10 avril 2003 et Keith lisait le journal au café. Bagdad était tombée. Ce nouveau combat, entre l’islam et la chrétienté. La pensée infantile mais persistante de Keith (qui venait du poète écrasait en lui) était quelque chose comme : Mais on s’entendait si bien avant, les croyants et les infidèles… Ce n’était pas vraiment une guerre entre différentes religions, ou entre différents pays. C’était une guerre entre différents siècles. Comment les historiens du futur l’appelleraient-ils? La Guerre du Temps, peut-être, ou la Guerre des Horloges.
La police secrète du régime qui venait d’être abattu avait pour nom Jihaz al-Haneen. Elle incluait le corps des tortionnaires – dont les agents étaient des érudits de la douleur. Pourtant, Jihaz al-Haneen se traduisait par l’instrument du désir. Cette expression ne faisait sens pour lui qu’en tant que description du corps humain.
Sa blessure l’attendait au tournant, un autre type de blessure, dans le château en Italie. C’était le contraire sensoriel de la torture. : Elle – ses pinces de délice, ses lèvres, le bout de ses doigts. Et que restait-il par la suite ? Elle – ses menottes, ses fers chauffés à blanc.
C’était ici et tout autour d’eux. Que devaient-ils faire les jeunes ? La réaction au profond changement, à la réorganisation du pouvoir : voilà la chose qu’il commençait à traverser en tâtonnant, ainsi que des centaines de millions d’autres personnes. C’était une révolution. Et nous savons tous ce qui se passe dans une révolution.
On voit ce qui s’en va, on voit ce qui reste, on voit ce qui vient. » (p. 85-86)

Martin Amis, La veuve enceinte : les dessous de l’histoire, Ed. Gallimard, 2012.

Tuesday, 10 April 2012

Gir / Moebius - An Alternative Reader


Allez, le voici, ce texte sur Gir/Moebius que pornochio m’avait commandé ici. Un texte en forme d’anthologie alternative pour tous ceux qui auraient lu les titres les plus emblématiques du Maître (la trilogie sacrée La mine de l’Allemand perdu 1&2 / Le garage hermétique / L’Incal) sans aller forcément plus loin, ou qui auraient envie d’entrer dans son oeuvre par quelques portes dérobées.

Ce qui est encore la meilleure manière d’y pénétrer. Ceux qui le feront auront en effet la surprise de passer d’un cul de sac au bout d’un couloir au compartiment luxueux d’un « magnifique train à vapeur », ou d’un astéroïde expansé à trois niveaux à la station de métro Opéra à Paris, et la surprise plus grande encore de ne pas en être étonné, comme le rêveur porté par le flot aléatoire de son rêve. Parce que, à son meilleur, le talent du Moebius se situe dans la continuité floue du songe, dont il est l’un des très rares artistes à savoir restituer avec une douce évidence la logique courbe et hachurée. Et c’est ce que l’on retrouvera dans ces quelques livres :

1. Le Bandard Fou, les éditions du Fromage, 1974 : le premier album officiellement signé Moebius, oeuvre hénaurme comme le chibre turgescent de cet habitant à gros nez de la planète Souldaïn-du-Cygne qui en est le héros. Dit comme ça, ça ressemble aux grasses plaisanteries ultra-régressives du Gotlib de Rhââ Lovely (et ça ne fait donc pas envie), alors que c’est au contraire la matrice de tout ce qui va suivre : Le Garage Hermétique sortira de là - littéralement, puisque les deux albums se répondent en quelques allusions transparentes - mais aussi John DiFool, dont le Bandard est un prototype burlesque. Et puis, sur chaque page de gauche de l’album, il y a ce type qui se transforme en oeuf dégueulasse avant d’exploser, sans aucune raison, sans aucune explication, pure fantaisie graphique et jubilatoire.
2. Les Yeux du chat, Les Humanoïdes Associés 1978 : première collaboration livresque de Moebius et Jodorowsky, une vingtaine de pages en noir et jaune belles et sombres comme des gravures fin de siècle. Un chef d’oeuvre muet d’art graphique et de narration cruelle que les deux futurs auteurs de l’Incal réaliseront à contre-emploi, avec un Jodorowsky à son plus sobre, et un Moebius qui ne fait pas vibrer le vide mais joue au contraire avec le plein, avec ces cases majestueuses en pleine page lestées d’encre noire et de cartons collés.

3. Major Fatal, Métal Hurlant #6, 1976 : le prologue au Garage Hermétique, un récit d’une dizaine de pages publié dans Métal par JP Dionnet en même temps que le premier épisode du Garage lui-même. Si je devais choisir une bande pour expliquer le style Moebius des 1970s, ce serait celle-là. Tout y est onirique : l’histoire absolument linéaire et pourtant sans queue ni tête, les dialogues empreints d’une sagesse absconse (« Le temps mange la ville », dit l’un. « Chacun son tour », répond l’autre), les références distordues (« Obladi-Oblada, c’est le bluz du cheval »), cette ville immense et déserte dans laquelle les personnages déambulent à la recherche du Major Grubert... Tout y est onirique, mais cet onirisme est une pure création graphique. Car cette histoire n’est pas une histoire, c’est un dessin, un dessin total dont le style flottant contamine jusqu’aux textes de Moebius qui, avec leur lettrage précipité et leur orthographe aléatoire, nourrissent autant cette impression d’irréalité hyperréaliste que les humanoïdes variables en costumes de cow-boys qui peuplent son récit.
4. Sur l’étoile, Les Humanoïdes Associés / Citroën 1983 : la première histoire de Moebius que j’ai lue, une aventure de SF commandée par Citroën en 1983, pleine de tuyaux rouillés et de poésie mécanique, dont Moebius fera par la suite le cycle des Mondes d’Edena, une série mineure au dessin rond et apaisé, loin des transes graphiques de ses oeuvres des années 1970. Mais paradoxalement, c’est peut-être parce qu’elle est une oeuvre de commande que Sur l’étoile conserve encore un peu de cette magie, avec sa traction avant roulant dans un désert extraterrestre, et sa mystérieuse pyramide aux allures d’Incal Lumière.
5. Blueberry, Ballade pour un cercueil, Dargaud 1974 : le dessin de Gir n’y a pas l’élégance désolée du diptyque de La Mine, ni la complexité presque mathématique de Nez Cassé, mais l’album fourmille de moments de bravoure claustrophobe (on comprend que Gir ait eu envie des grands espaces désertiques de Moebius après un tel récit qui ne se passe que dans des grottes, des églises closes, ou pendant la nuit), et l’histoire est un pur plaisir sadique, typique de cette époque où Charlier et Giraud prenaient leur pied à enfoncer toujours plus profondément le malheureux Blueberry. Mais surtout, c’est cet album qui débute par cette dizaine de pages signées Charlier qui prétendent donner une biographie sérieuse au lieutenant Myrtille, de sa naissance à sa mort à Chicago le 5 décembre 1933, au milieu de clichés d’époque où figure « l’unique photographie connue de Blueberry ». Photo toute petite et pas très ressemblante, mais c’est exactement pourquoi on peut (veut) y croire.

6. Inside Moebius, Stardom 2001-2008 : il n’y a quasiment que des oeuvres des années 1970 dans la sélection précédente, alors que Moebius n’a pas arrêté de créer jusqu’à sa mort, revisitant ses classiques (deux suites du Garage, une d’Arzach, une série avortée Après l’Incal...), continuant Blueberry (avec un cycle au ralenti sur le règlement de comptes à OK Corral, 24 heures en 5 albums dans lesquels Blueberry passe quasiment tout son temps au lit - un pur pari moebien) et s’inventant de nouveaux défis (reprendre le XIII de Van Hamme, passer un an dans le dessin de presse à La Vie...). De cette période très productive mais pas vraiment fascinante, je garderais les Inside Moebius, petits carnets inégaux où il joue avec ses personnages et son image, dans son cher désert « B » plein de « plans », de « passages » et « d’extérieurs internes ».

Friday, 6 April 2012

Yuichi Hibi, Greetings from... Shanghai, 2007


"I stayed in Shanghai for five days. From day to night the energy kept me awake. I walked everywhere. In dark, winding alleys I heard lone men prepare meals in a wok. I peeked in and watched as they ate, and saw how they lived. The streets were so dim that I often could not tell who was approaching me. Strangers would bump into me and then regard me with no emotion.

The sounds, smells, and mysterious alleys reminded me of clichés from a vintage Chinese film. Experiencing this world required all of my senses and felt, in many ways, more authentic and enriching than much of my time spent in modern cities and cultures.

Shanghai is a city that lives in the moment. Construction appears to be going on everywhere, every day. Landscapes seem to change by the second. The new is mixed with the old in Shanghai: its architecture, its fashion, its attitude...One day, I saw a father and son on a construction site. The father pointed to something far beyond the crumbling buildings, as if to show the son where they used to live. The father appeared confused…was he concerned that his roots were being erased, or that his world had changed too fast to even reflect upon?

Shanghai made me question my own world: why is it that I am always searching for something nostalgic to hold on to?"


Yuichi Hibi, Greetings from... Shanghai, L. Parker Stephenson photographs, 2007. (Tiré à 250 exemplaires)

Monday, 2 April 2012

Quote


Pix : Elise Cowen

"Un soir de février 1962, ma mère me téléphone. "Ton amie s'est suicidée, dit-elle. C'est dans le journal". Je cours acheter le New York World Telegram. Il y un petit entrefilet-UNE FEMME DE 28 ANS EST RETROUVÉE MORTE.
Elise (Cowen) a sauté par la fenêtre du salon de ses parents à Washington Heights. Elle venait de sortir de l'hôpital psychiatrique de Hillside; ses parents devaient s'occuper d'elle et envisageaient de l'emmener à Miami. Longtemps, je regarde le mot FEMME. Nous avons donc toutes les deux grandi, nous sommes devenues des femmes.
Elle n'est pas partie avec Keith à Mexico trois ans plus tôt. Allen, de passage à Berkeley au printemps, lui a rendu visite. Elle est rentrée à New York peu après. Allen vivait avec Peter Orlovsky dans un appartement de la 2e Rue Est, de nombreuses pièces minuscules où beaucoup de gens passaient la nuit et où le téléphone sonnait en permanence. Il a réussi à loger Elise dans le même immeuble.
Quand Allen acheva Kaddish, le long poème où il évoquait sa mère Naomi, Elise tapa le manuscrit à la machine. "Tu n'en as donc pas encore fini avec elle ?" demanda-t-elle. Question qu'Allen nota dans son journal.
Un autre jour, le 6 décembre 1960, il écrit :

Me réveille à l'instant et plus
belle que poème est Elise debout
à l'aube au milieu de la chambre en
noir planant sous mescaline-


Je commençai à perdre Elise de vue après le départ d'Allen. Elle fut très vite emportée dans une spirale descendante, tourbillonnant dans les sombres remous de l'East Village, expérimentant les drogues qui élargissaient la conscience avant de la faire voler en éclats. Disparaissant du 170 de la 2e Rue Est, elle dériva de chambre meublée en piaule sordide, emportant tous ses biens dans des sacs en plastique.
La méthédrine la flétrit. Une nuit, elle frappa à ma porte pour m'emprunter ma machine à écrire... Quelques semaines plus tard, une ambulance vint la chercher dans un immeuble de l'Avenue D pour la transporter à Bellevue.
Là, dans un placard, on retrouva des carnets. Leo Skir alla les récupérer. Ils contenaient les poèmes qu'Elise n'avait jamais montrés à personne.

Seule
En larmes
Je m'éveillai en larmes
Seule
Dans le parc noir d'un lit.


L'un de ces poèmes, peut-être le dernier qu'elle écrivit, contenait le message adressé à moi et aux autres spectateurs distraits qui croyions la connaître.

Pas d'amour
Pas de compassion
Pas d'intelligence
Pas de beauté
Pas d'humilité
Vingt-sept années suffisent.

Mère-trop tard-années de mesquinerie-
Je suis désolée
Papa-Que s'est-il passé?
Allen-Je suis désolée
Peter-Sainte jeunesse rose
Betty-incarnation de la vaillance féminine
Keith-Merci
Joyce-si fille belle
Howard-bonne chance, mon chéri
Leo-Ouvre les fenêtres et shalom
Carol-laisse les choses arriver
Maintenant s'il vous plaît laissez moi sortir-
-S'il vous plaît laissez-moi entrer


Ses poèmes circulèrent pendant quelque temps. Son suicide fit d'Elise une légende éphémère.
Deux ans plus tard, Allen usa de son influence pour faire publier quelques poèmes dans le City Lights Journal. La petite photo qui les accompagnait venait du passeport qu'Elise n'avait jamais utilisé. Allen écrivit également un texte sur mon amie, en collaboration avec Lucien Carr. D'un vers à l'autre, leurs voix alternent sans qu'on puisse les distinguer :

Quel âge avait cette chère vieille Elise quand elle
s'éclipsa, joyeuse? Quelqu'un que je n'aime pas
aurait dû faire cela à sa place. J'éprouve davantage
de loyauté que d'amour pour Ellipse.
Ses poèmes, ils sont gauches. Mais c'est le genre
de gaucherie qu'ont les êtres directs et
(si cela existe) honnêtes. Et la beauté
des vers écrits que je voyais et qu'elle
voyait, mais qu'aucun de nous ne pouvait voir en
elle...


Lucien ou Allen dit : "Elle avait cette qualité de solitude vigilante."
Je veux croire que ce fut Allen."


Joyce Johnson, "Personnages secondaires, 10/18, 1996.