Tuesday, 17 July 2012
Quote : Alejandra Pizarnik
Pix : JH Engström
16 Juillet, lundi
"Toute tentative d'explication est inutile. Je ne sais pas parler. Je ne peux pas parler.J'ai dit que la pluie me fait peur. Procédé arbitraire. Je me fais peur.
Délire imbu dans la nuit. Dans la clarté d'une attente inimaginable. Quelqu'un cherche et rencontre quelqu'un en train de chercher. Les pleurs augmentent les nuits sans lune. Envie de pleurer, de ne plus se débattre, de ne faire plus qu'une avec celle qui a renoncé depuis longtemps. Bruits de la nuit, mes yeux magiciens en train de mourir de fureur devant une solitude qui n'est que défilé de choses mortes. Rien que de vieilles pleureuses. Verre brisé dans mon cerveau et une lumière qui s'allume par intermittence. Je cherche à peine et je m'abandonne déjà à mon urgent, immédiat, anonyme et vengeur désir de mourir. Ce que tu veux n'a pas de nom. Ce que tu désires, c'est dormir. Dépression mélancolique sans doute. Et alors, si on te déchire, si on te brise. Que faire si on te déchire, si on te brise. Et ne pas faire. Ne plus faire, si on te détruit."1961
Alejandra Pizarnik, Journaux 1959-1971, Librairie José Corti,2010, p.106-107.
Thursday, 12 July 2012
Ray Bradbury, The Long Rain, 1950
« Je ne sais pas comment faire pour sortir de cette pluie. Je dois sortir de cette pluie. » The Long Rain, qui en français a été traduit par La Pluie (un titre plus sec ) raconte la folie progressive de trois voyageurs interstellaires échoués sur Venus. Vénus qu’ils surnomment la Chine. Parce qu’il y pleut en continu et que tout cette flotte s’apparente à la longue à un célèbre supplice chinois : « la cure thermale ». « On t’attache contre un mur. On te fait tomber une goutte d’eau sur le crâne toutes les demi-heures. Tu deviens fou à attendre la suivante. Eh bien, c’est pareil sur Venus, mais à grande échelle. »
La science-fiction, c’est bien, surtout l’été. La science-fiction, ça sert à parler de tout - du présent, du passé, des chinois, de la guerre comme de l’écologie. Tout donc, à commencer par la pluie et le beau temps. « Nous ne sommes pas fait pour l’eau. C’est si lourd. On dirait du plomb de chasse, gros calibre. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir le coup. Je regrette d’être venu en Chine ».
Rappelons, ça le vaut, que The Long Rain a été repris en volume en 1951 dans The Illustrated Man, qui n’est pas exactement le recueil de nouvelles lambda : Bradbury, en plein trip "je dessine des grandes arches", avait composé en ouverture une nouvelle inédite censée les relier toutes : The Illustrated man, justement. Il y racontait comment il avait fait la rencontre dans un cirque d’un homme tatoué de la tête aux pieds. Ce qu’il pouvait lire sur la peau du tatoué, c’était son livre.
Je prends un grand plaisir à relire Ray « Je chante le corps électrique » Bradbury.
Voici le premier paragraphe dans sa langue originelle, Où l’on s’apperçoit combien Bradburry n’a pas toujours été très bien traduit par ici: en anglais, ça sonne déjà comme du Ballard avant l’heure.
The rain continued. It was a hard rain, a perpetual rain, a sweating and steaming rain; it was a mizzle, a downpour, a fountain, a whipping at the eyes, an undertow at the ankles; it was a rain to drown all rains and the memory of rains. It came by the pound and the ton, it hacked at the jungle and cut the trees like scissors and shaved the grass and tunneled the soil and molted the bushes. It shrank men's hands into the hands of wrinkled apes; it rained a solid glassy rain, and it never stopped.
Ray Bradbury, The Long Rain, Planet Stories, USA, 1950, included in The illustrated Man, Doubleday & Company, 1951
La science-fiction, c’est bien, surtout l’été. La science-fiction, ça sert à parler de tout - du présent, du passé, des chinois, de la guerre comme de l’écologie. Tout donc, à commencer par la pluie et le beau temps. « Nous ne sommes pas fait pour l’eau. C’est si lourd. On dirait du plomb de chasse, gros calibre. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir le coup. Je regrette d’être venu en Chine ».
Rappelons, ça le vaut, que The Long Rain a été repris en volume en 1951 dans The Illustrated Man, qui n’est pas exactement le recueil de nouvelles lambda : Bradbury, en plein trip "je dessine des grandes arches", avait composé en ouverture une nouvelle inédite censée les relier toutes : The Illustrated man, justement. Il y racontait comment il avait fait la rencontre dans un cirque d’un homme tatoué de la tête aux pieds. Ce qu’il pouvait lire sur la peau du tatoué, c’était son livre.
Je prends un grand plaisir à relire Ray « Je chante le corps électrique » Bradbury.
Voici le premier paragraphe dans sa langue originelle, Où l’on s’apperçoit combien Bradburry n’a pas toujours été très bien traduit par ici: en anglais, ça sonne déjà comme du Ballard avant l’heure.
The rain continued. It was a hard rain, a perpetual rain, a sweating and steaming rain; it was a mizzle, a downpour, a fountain, a whipping at the eyes, an undertow at the ankles; it was a rain to drown all rains and the memory of rains. It came by the pound and the ton, it hacked at the jungle and cut the trees like scissors and shaved the grass and tunneled the soil and molted the bushes. It shrank men's hands into the hands of wrinkled apes; it rained a solid glassy rain, and it never stopped.
Ray Bradbury, The Long Rain, Planet Stories, USA, 1950, included in The illustrated Man, Doubleday & Company, 1951
Monday, 9 July 2012
Laurent Binet, HHhH, 2009
Je me demande comment les nazis accommodaient leur doctrine avec la beauté des Slaves : non seulement on trouve en Europe de l'Est les plus belles femmes du continent, mais en plus elles sont souvent blondes aux yeux bleus. D'ailleurs, lorsque Göbbels a eu sa liaison avec Lida Baarová, splendide actrice tchèque, il ne semble pas trop s'être posé de question sur la pureté de la race. Mais sans doute pensait-il que sa beauté fatale la rendait apte à la germanisation. Quand on songe au physique dégénéré de la plupart des dignitaires nazis - et Göbbels avec son pied bot en est l'un des plus beaux spécimens -, on ne peut que rire en songeant à cette crainte d' "affaiblissement de la race" qui les travaillait tant. Mais pour Heydrich, évidemment, c'est différent. Lui n'est pas un petit nabot brun, et son physique porte haut l'étendard de la germanité. Y croyait-il ? Je pense que oui. On croit toujours très facilement ce qui nous flatte et nous arrange. Je repense à cette phrase de Paul Newman : "Si je n'avais pas eu les yeux bleus, je n'aurais jamais fait une telle carrière." Je me demande si Heydrich pensait la même chose. (page 263)
C'est Bret Easton Ellis qui a eu la bonne idée de me conseiller ce Goncourt du premier roman.
Laurent Binet, HHhH, 2009, Grasset - 2011, Le Livre de Poche
Friday, 6 July 2012
Quote : Sam Shepard
Pix : Alvin Lieberman, "Los Angeles", 1971.
"3.30 du matin
est-ce un coq
ou une femme qui crie au loin
est-ce un ciel noir
ou prêt de virer au bleu foncé
est-ce une chambre de motel
ou chez quelqu'un
est-ce le Texas
ou Berlin Ouest
c'est quelle heure
du reste
quelles pensées
puis-je dire alliées
je prie pour une rupture
avec toute pensée
une rupture nette
dans l'espace vide
Je veux prendre la route
la tête vide
rien qu'une fois
je ne mendie pas
je ne me mets pas à genoux
je ne suis pas en état de me battre"
9/12/80
Fredericksburg, Texas
Sam Shepard, Motel Chronicles/Lune Faucon, 10/18, 1987, p.25.