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Disorder in Discipline-



Sunday 27 September 2009

Eugene Richards, The Blue Room, 2008





Bazooka est la première à m’avoir parlé de The Blue Room qu’elle avait pu voir à Arles cet été, et combien l’avait impressionnée cette suite de photos dévastées : un chien plus mort qu’endormi parmi les broussailles, des poupées abandonnées avec la maison, les cafards à l'agonie dans l’évier, l’orage menaçant et la neige qui recouvre tout sauf la carcasse semie-crevée d’une hyène posée sur un carton trempé (à moins qu'il ne s'agisse de la carcasse semie-trempée d'une hyène posée sur un carton crevé?).
Il y a bien des couleurs, mais aucune chaleur n’émane d’elles. L’humanité a déserté depuis peu et déjà il ne reste rien de son passage, sinon des débris et quelques photos sépias de visages dans des cadres cassés que la poussière récupère à bon compte. Arkansas, Nebraska North Dakota, Montana, la Route qu’a suivi Eugene Richards ressemble à celle de Cormac Mc Carthy (hey, vous vous souvenez du sentiment de Terreur absolue que vous avez ressenti la nuit où vous avez refermé The Road ? C’est là, intact...). De 2004 à 2007, il a photographié des fermes laissées vides par ses occupants, enregistrant une nouvelle dépression, tirant le portrait ambregris d’un territoire américain lessivé par huit années d’administration Bush aveugle, produisant un gâchis économique sous influence Goldman Sachs. Ici Credit Crunch = exode. Voici l'Amérique, elle est sous givre.
J'avais perdu de vue Eugene Richards, je me souvenais qu’il avait marqué le début des années 90 avec des livres qu’il était déjà impossible de trouver en France : The Knife and Gun Club (Scenes from an Emergency Room), Cocaïne True, Cocaïne blue (qui eu tellement d’influence sur le premier Jim Goldberg, celui qui m’intéresse le plus, celui de Raised by wolves). Je gardais en mémoire la façon dont il savait s’emparer d’un instant de vitesse pour en faire une manifestation de pure violence : une mexicaine qui accouchait dans les bras de son mari mais elle et lui cadrés de façon telle qu’il était possible de confondre cette naissance avec un viol… Une après-midi de cagnard dans Brooklyn… La menace d’un mec surgissant des entrailles d’une avenue à New York (photo dont Leos Carax fera plus tard une adaptation filmée transplantée à Tokyo). En 1994, dans la préface d’Americans We (presqu’un livre tendre si on le compare à la violence immédiate dans laquelle il s’était embourbé depuis ses premiers travaux, notamment quand il avait passé l’intégralité de l’année 1979 à photographier à la fois les urgences de l’hôpital de Denver et les essais nucléaires des îles du Pacifique Sud), il disait, à deux jours de reprendre la route, sa peur d’y retourner, ne voyant plus trop quelle force le poussait à quitter sa femme et son fils pour aller affronter des semaines durant la marge, les drogues illégales, la sauvagerie. Depuis son engagement, à vingt cinq ans comme aide médical chez les populations pauvres du long du Delta du Mississipi, chaque nouvelle traversée des Etats-Unis avait rajouté en lui une couche supplémentaire de confusion mentale. Six mois après la publication d’Americans We, il démissionnait de chez Magnum, n’en pouvant plus, à bout d’émotion. Il y a dix ans, il disait ne plus pouvoir supporter le silence des photographies. Il y est revenu, une fois encore. Il y aurait une addiction aux ravages, donc.

«Where we were going, there were no lit-up houses, only dying ones. »













Eugene Richards, The Blue Room, Phaidon, 2008

2 comments:

  1. Etrangement, on a pas trop parlé de ce magnifique livre à sa sortie ; enfin, moi, si ! mais bon...

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  2. 1 + 1 + 1 + 1 + 1......
    on n'est jamais assez nombreux

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