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Disorder in Discipline-



Monday 5 October 2009

Ernest Ernest, Sexe & Graffiti, 1979


1977 est l’année où un homme raconta devant une caméra qu’il existait un café, dans Paris, où pour peu que l’on accepta de prendre la position de la prière musulmane, au risque de tremper ses cheveux dans la pisse, il était possible de regarder des femmes uriner à travers un trou creusé dans la porte des chiottes. Un jour on se prendra par la main à DiD, et on vous offrira la retranscription d’Une sale histoire, un des textes les plus cramé qu'ai eu à affronter le cinéma français.
Deux ans après le film d’Eustache, toujours à Paris, un zélé fonctionnaire remettait à un éditeur un choix parmi des dizaines de carnets annotés tout au long d'une décennie: Cet homme (qui avait préféré prendre le pseudonyme presque situ d'Ernest Ernest) avait reporté des milliers de graffitis sexuels rencontrés ici et là où c'est sale, dans les toilettes des cafés, dans les toilettes des campings, des bordels, des pensionnats, des cités U. Après quoi, exquise maniaquerie, il classait sa grande collecte de sex graffitis selon des catégories éprouvées : hétérosexualité, amour en groupe, bisexualité, homosexualité masculine, sadomasochisme homosexuel, homosexualité féminine, onanisme masculin, onanisme féminin, zoo – bien que… de son propre avis, le graffiti sexuel soit finalement toujours peu ou prou d’origine homosexuelle (on vous laissera mordre le crayon sur la question, il y a un espace Comments pour ça).
Il voyagea aussi en fonction de ce qu’on lui vantait des toilettes de telle capitale. On croit savoir qu'il a toujours évité Londres, connue pour sa littérature vespasienne, de peur de manquer de courage au moment d’avoir à retranscrire tout ça, toute cette écriture du soulagement.
Un meurtrier ne revient jamais sur les lieux de son crime, un scribe oui. Ernest Ernest retournait plusieurs fois par an à la source, retrouver avant qu’ils ne soient ensevelis ces jets de phantasmes et leurs bouillantes réponses. Il a gardé les fautes d’orthographe, les aberrations syntaxiques : il y a des textes qui ne se retouchent pas.
Sexe & Graffiti (Sexe égale Graffiti ?) se lit d’une main, plutôt au lit finalement qu’au cabinet – où l’on aime bien lire, mais où ces moments de poésie pure, giclées de rage amère, n’ont soudain plus leur place, puisqu'un livre les a sorti de là, du dazibao et de la merde, pour qu'enfin leur beauté malade saute aux yeux: Je suis habillé comme une fille moderne et je suis amoureuse de toi. Certains grands textes épiques de Guyotat mis à part (Eden Eden Eden, Prostitution…), aucune littérature de cette période ne saurait faire face à ce livre – peut-être parce que ce livre précipite la littérature au-devant d’un trou plus grand qu’elle.


« L’homo est révolutionnaire ! Branlez vous les couilles - - -
(Neuchâtel, été 74)

Ma queue raide dépasse le nombril
(Paris, Sorbonne, printemps 67)

Vous êtes des déchets, vous allez tous crever
(Paris, Sorbonne, automne 1973)

JH 20 ans cherche 99 mecs et 100 nanas pour faire happening orgiaque monstre au Luxembourg R.V. bassin le 27 mai 11h p&tantes Faire passer (Paris, hiver 71)

Femme noire cherche femme blanche pour gouiner
(Paris, Censier, 1978)

Cherche amateur photos d’hommes nus –criminels de guerre en cage – prisonniers – Donner RV
(Paris, hiver 74)

Amateur lavements à celui qui avait répondu en novembre ; va voir le WC de la gare que tu disais, je t’ai écrit sur le mur, car je voudrais te voir. J’ai été trois mois en province. J’irai voir ta réponse avant vendredi prochain (Paris, printemps 1974)

Je suis habillé comme une fille moderne et je suis amoureuse de toi
(Fribourg, été 1974)


Ernest Ernest, Sexe & Graffiti, Alain Moreau, 1979

1 comment:

  1. Un art paillard et universel, qui se cache souvent au grand jour. Lu cet été sur un mur restauré de l'autrement si familial château de Bonaguil (47) (orthographe et grammaire vintage XVIème siècle ) : "Ci gît un malheureux sergent qui fut pendeu le vit bandent contre l'ordre de la nature un moine passant par le port le voyant en ceste posture crut quil vouloit foutre la mort... Cache ton vit tes covlhies sont trop noyres."
    On notera de nouveau l'absence de figure féminine.

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