Sunday, 8 December 2013

Baltimore, David Simon, Sonatine 2012 (trad. 1990)

C’est la matrice, le texte qui a fait passer David Simon des pages Faits divers du Baltimore Sun aux bureaux des chaînes de télévision - Homicide, la série en 7 saisons de Barry Levinson, est directement tirée de ce livre, en attendant, bien sûr, l’impérial The Wire où Simon fera revivre quelques unes des figures de flics passionnés qui peuplent cet énorme livre. Mais auparavant, il y avait donc eu Baltimore (ou plus justement, en VO, Homicide : A Year on the Killing Streets), presque mille pages d’immersion en eaux profondes auprès des inspecteurs du bureau des homicides de Baltimore.

Cela commence d’ailleurs comme The Wire avec ce rythme lent, à la limite de l’ennui, qui est celui d’un quotidien lesté par la routine bureaucratique de la procédure et par l'angoisse de l'incertitude (dans la vraie vie, chaque meurtre est une porte fermée dont on n'est jamais sûr que l'on trouvera la clé un jour).

On est avec deux inspecteurs, Jay Landsmann et Tom Pellegrini, tout juste arrivés sur la scène de l’un de ces meurtres de dealers qui ne font même pas une ligne dans le journal mais qu’ils devront quand même résoudre, s’ils ne veulent pas voir leurs statistiques – et leurs primes d’heures supplémentaires – fléchir à la fin du trimestre. On commence par ce meurtre-là parce que c’est celui du 18 janvier, le début de l’année, le début du « stage » de David Simon au bureau des homicides dans l’équipe de Gary D’Addario (15 inspecteurs, trois sergents, un lieutenant), le début de son livre. Et on ira comme ça jusqu’au 31 décembre, quand les mêmes serreront l’assassin stupide des frères Fullard, un autre meurtre de dealers, une dernière élucidation pour l’année.

Le livre se déploie avec l’année qui avance, un meurtre après l’autre – dealers abattus, scènes de ménage, rixes d’ivrognes, et de temps en temps l’extraordinaire, une serial-killeuse de maris à la Landru, une petite fille violée et éventrée, un tir policier suspect…–, chaque affaire transformée en numéro à l’encre rouge sur le tableau du bureau, jusqu’à ce que l’encre passe au noir, affaire élucidée. C’est le travail de ces hommes, et c’est ce dont parle Baltimore, Simon dispersant tout le long de l’année qui s’écoule ses 10 lois de la sagesse tongue-in-cheek de l’inspecteur d’homicides (règle n° 5 : « c’est bien d’être un bon, mais c’est encore mieux d’être chanceux » ; règle n°8 : « si tu n’as aucun suspect apparent, le labo ne te sortira aucune preuve. Si tu as un suspect qui a déjà avoué et a déjà été identifié par deux témoins, le labo te donnera des empreintes, des fibres, une correspondance sanguine et une correspondance balistique »), tout en explorant les diverses stations de l’enquête criminelle (la scène de crime, l’autopsie, l’interrogatoire, jusqu’au procès d’assises).

C’est incroyablement précis, incroyablement humain aussi, lorsque l’on dérive avec ces inspecteurs qui sont l’élite du Département de la Police de Baltimore et qui, régulièrement, s’assomment à l’alcool jusqu’au petit matin, avant de repartir pour un nouveau tour de garde à attendre qu’un autre être humain meure de mort violente à Baltimore, Maryland.

En 1997, Simon présentera le camp d’en face - la piétaille des dealers des coins de rue du Westside - de la même manière, à hauteur d’homme, dans The Corner, co-écrit avec l’ex-flic Ed Burns, croisé à l’époque où Simon était « stagiaire » à l’hôtel de police. Et du mélange de ces deux livres naitra The Wire.

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