Thursday 2 July 2009
Playlist as it lays
pix - Robert Adams
Revoici l'été... les promesses non tenues....
Grover Lewis, Splendor in the short grass, University of Texas Press, 2005
Un cadeau de Gatitox est chose qui ne se refuse pas. Unique (à tous les sens du terme) anthologie des écrits de Grover Lewis pour Rolling Stone grande époque, mais pas seulement. C’est aussi la source d’un autre livre indispensable : le Freelance de Philippe Garnier (on n'en sort pas). Où l’écriture journalistique quand elle atteint, sans jamais le savoir (et donc dans la douleur masochiste que s’inflige à lui même celui qui vit pour le verbe mais croit n’avoir aucune grande œuvre derrière lui), la plus haute littérature
Vladimir Nabokov , Ada ou l’Ardeur, Livre de poche/Biblio, 1983
Souvenir d’un été (était-ce 2001 ? 2002 ?) à Locarno, la terrasse de l'hôtel en bord de lac, la discipline imposée à soi-même : lire 75 pages par jour (bientôt insuffisantes, il a fallu augmenter la dose) de ce chef d’œuvre d’érotisme et de fumisterie (le plaisir pour principe commun au deux), écrit en 1969 dans une langue d’une élégance inusitée, et instituant la possibilité d’un grand récit truqué – jeu de miroitements et enchevêtrements façon poupée russe. 700 pages de mensonges purs, d’une beauté noire, puis solaire, puis noire... Ada, plus cruelle encore que sa grande soeur Lolita.
Roberto Bolano, Des putains meurtrières, Christian Bourgois/Titres, 2001
Bolano, oui mais par où commencer ? 2066 vous effraie par son poids. Tout le monde vous pousse à lire les Détectives sauvages, et par réflexe vous avez préféré celui-là, parce que plus court, parce que fait de nouvelles. Sans doute vous semblait-il moins risqué… Erreur : à la fin de la première des 13 nouvelles, celle du photographe dans le bordel aux enfants Inde, vous tremblez d'effroi. Une fois le volume achevé, une fois passés la voyage au Mexique avec le père, l'errance littéraire dans Bruxelles avec un numéro de Luna Park pour compagnon, une fois passés les joueurs de foot magiciens, vous appelez le 999. A l'urgence répond l'urgence. Bolano a la littérature pour drogue et la littérature pour manque. Entre les deux, il y a la vie, - cassée de partout, béante. Le siècle n’en a pas fini avec ce type. Nous non plus.
William Faulkner, Absalon Absalon !, L’Imaginaire Gallimard
Le vieux Godard himself avouait il y a des années que ce livre se trouvait constamment à sa portée, encore qu'il n’ait jamais pu le finir. Il lisait Faulkner par endroits, picorait dedans. Je ne sais pas si JLG a fini par y arriver - Moi, chaque été c’est pareil, je tente et puis j’échoue. Reididnorep il y a un an me disait avoir trouvé la clé pour entrer dans Faulkner. Il a (déjà) dû m’expliquer le truc, et j’ai (encore) oublié. Alors, je ne bouge pas et j’attends son post. On est déjà début juillet c’est une question de survie, maintenant.
Pier-Paolo Pasolini, Pétrole, Gallimard, 1995-2006
Juillet 2003, je suis à Rome pour voir Michelangelo Antonioni travailler. La nuit qui précède la rencontre avec le cinéaste aphasique et adulé, inutile de chercher à dormir. Alors, Tonino de Bernardi, cinéaste rare, pauvre et précieux, m'invite à manger des spaghettis à la viande sur son toit terrasse. Il habite dans ce repère que Pasolini, dans Pétrole, appelle «la Bouche du diable » : Un bloc d'immeubles lépreux, aux murs couverts d’ex votos, de portraits de la Vierge, enfilade de bâtiments en béton armés qu’on a oublié de peindre, zone franche où vivent prostituées et b-boys, tous venus d’Amérique du Sud. Jusqu’à 5h du matin, sur ce toit terrasse éclairé d'une seule ampoule nue, sous la chaleur écrasante et parmi une nuée de moustiques, Tonino nous a raconté Pétrole, ce livre soit disant illisible que la mort de Pasolini avait laissé inachevé en 1975, alors que les unes après les autres s’allumaient les veilleuses dans les chambres des filles qui revenaient de tapiner. On surplombait le caniveau et le caniveau s'étoilait. Je n’ai peut-être pas lu Pétrole, mais on me l'a montré.
Charles Fleming, Box-Office, Sonatine, 2009
Le texte de JML dans les Inrocks de cette semaine m’a convaincue de me ruer sur cette bio traduite en français de Don Simson producteur nouveau riche de Flashdance, Top Gun, 48 heures… drogué notoire, serpillère sexuelle se faisant bonder chez Heidi Fleiss, et enfin roi déchu se suicidant aux neuroleptiques et au beurre de cacahouètes. Ai-je été assez clair ?
Jean-Michel Charlier-Eddy Paape, Valhardi tome 5 : Le Rayon super-gamma, Dupuis, 1954
J’ai oublié le mien autour d’une piscine, j’avais 7 ans. Hélas pour moi, les albums des aventures de Jean Valhardi (série entamée par le héros ligne claire Jijé et poursuivi en intérim par Paape du temps où Jijé était aux USA) sont aujourd’hui introuvables. Pas réédités. Dommage, celui-ci avait la candeur d'un Kraftwerk atomium. Où êtes-vous gros Arsène, Valhardi l'invincible, Gégène le Teddy Boy ? Tout Chaland est là, déjà. Essentiel et innocent.
Alessandro Zuek Simonetti, Japanese Rockabilly, Automatic books, 2009
Je dois à Joe, qui en a reproduit des planches hier sur son blog, la découverte de ce petit livre de photos format fanzine, tiré à 100 exemplaires seulement (le mien porte le n°91) édité à Venise. Dedans, on pouvait craindre l'habituelle visite au zoo des branchés, mais non... c'est plutôt le témoignage sincère et de l'intérieur de soirées rockabilly organisées tous les 3 vendredis du mois par une bande de japonais à donf' - Pompadour et Creepers -, dans un bar Tikki à New York, du coté de l'East Village. Hier, il restait encore un exemplaire chez Colette.
Joan Didion, Maria avec et sans rien, Laffont/Pavillons poche, 1970-2007
Le plus beau pour la fin. Ses grands récits journalistiques sont admis au Panthéon des lettres américaines, enfin. Pourquoi alors faut-il rappeler sans cesse et encore et à tout le monde et partout et pour la millième fois que le descriptif le plus précis, le plus analytique sur ce que c’est que l’amertume, le roman qui en 70 inventait de façon désabusée le style « ravalé » (ces phrases écrites pour ne pas être dites, dont raffole aussi Delillo), le texte le plus frontal sur la femme moderne, le portrait le plus authentiquement vitriolé d’Hollywood, de ses mœurs comme de ses névroses, la plus sèche et implacable description du "Rien" tient là, dans les 73 séquences serrées de Play it as it lays. Duras sous l’enseigne d’Hollywood, noyée au fonds de la piscine. Sibyllin et Fatal.
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Dans une autre vie, j'étais plongé dans Faulkner... A cause de lui j'ai voyagé dans le sud des Etats - Unis où je n'ai rien vu. J'ai oublié Absalon, Absalon, mais peut-être que je ne l'ai pas lu.
ReplyDeleteMerci en tout cas Porno pour cette playlist idéale.
Merci pour tous ces conseils. je sors du Merdier et j'entends encore le claquement des balles. Nabokov, je me souviens de la lecture de Machenka, un été vaseux dans le sud. Mais côté russe, tout fut vite coiffé par Dostoïevski et Agueev, Roman avec cocaïne.
ReplyDeleteJean Valhardi... une certaine esthétique du torse bombé, jambes galbées, mâchoire volontaire du héros Jijéien (je ne suis guère fan d'Eddy Paape, ce sous-Hubinon auteur de la très mauvaise série de science-fiction - dans mon souvenir - Luc Orient)... 20 ans plus tard Serge Clerc copiera cette silhouette si reconnaissable pour camper les Clash période London Calling... je ne les ai plus jamais vus autrement...
ReplyDeletedans le genre réaliste-Spirou, la série des Marc Dacier est également à redécouvrir.
Enfin une playlist littéraire et estivale digne de confiance. Des découvertes et des trucs a priori pas cons: ça change des sélections fnac.
ReplyDeletePfiou.
Merci bien.