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-But if you'd rather watch a movie, you're also welcome at
Disorder in Discipline-



Monday 31 December 2012

Bertrand Fleuret, Landmasses and Railways, 2009 + Antony Cairns, LDN, 2011


Nous ne l’avons pas fait exprès, nous ne serions même pas fichus de le faire exprès. Nous ne nous sommes pas concerté, ni n’avons tiré de plans sur la comète (tout ce fonctionnement de blog normal qui nous est absolument étranger), mais voilà : nous avons posté 66 articles en 2010, 66 articles en 2011 et celui-ci sera le 66ème de l’année 2012. Les asiles sont remplis de mecs branchés numérologie.
Pour ce 66ème post (in extremis), il aurait été plus facile d'envoyer un quote ou une belle image de pin up en guise de carte de vœu. Ou bien finir ce maudit post sur le Tarnac de David Dufresnes (bouquin essentiel de cette année, pour nous) qu’Ivan et moi projetons d'écrire un jour, mais si possible pas dans dix ans quand vous n’en aurez plus rien à foutre. Il m’aurait été tout aussi simple de ressortir des archives un texte que j’ai écrit au mois juillet et qui – allez savoir pourquoi - ne parle que de froid et de neige. Mais voilà, nous sommes le 31 décembre, et il fait onze degrés.
Alors regardons les choses en face, les seuls livres que nous voulons ouvrir aujourd’hui, à l'heure du bilan terminal, sont des livres qui inventent un autre monde, des livres de fuite totale.
Landmasses & Railways, par exemple. Dire qu’il a été photographié à Berlin durant des mois n’est même pas une information. Ce pourrait être un laboratoire ou une station orbitale, ou une cité expérimentale sur Mars (le garçon ne cite pas pour rien Sun Ra comme source d’inspiration principale, à coté de Solaris, Sans Soleil et Soudain l'été dernier). On y retrouverait tous les détails de notre monde (des scarabées aux montres en passant par les tapis persans) mais dans un désordre total, si bien que l’univers contenu ici est rendue sous la forme d’une énigme épaisse qu’il est difficile de décoder. Quand la reconnaissance ne joue plus, c’est tout le langage qui est dissout, et avec lui la vue : Qu’est-ce que voir quand on ne reconnaît pas ?
Il y a un chapitre que j’aime bien dans ce livre. Il se nomme An Empty Building. L’immeuble en question est une sorte de tour de bureau ultra moderne (ou du moins l’idée que pouvaient s’en faire les architectes au début des années 70), avec son hall vide, ses salles de réunion king size désertées. Dans un couloir, à force de déambuler, Fleuret tombe nez à nez avec un chat, noir et menaçant. Le dernier habitant, c'est lui.
Etrangement, la sortie de Landmasses and Railways en 2009 n'a pas fait de vagues, le livre était presque mort né - son éditeur américain était, semble-t-il, sur le point de fermer. C'est sa beauté étrange qui l'a sauvé de l'oubli. Il est aujourd'hui devenu chez les amateurs pointus de photobooks un objet de culte (hautement soutenu par la librairie Schaden à Cologne), dont on attend impatiemment la suite. En 2013?
Science fiction quotidienne encore, avec un autre livre de photo assez rare, LDN, publié à 100 copies il y a moins de deux ans par les anglais de Archive of Modern Conflict, d’habitude spécialisés dans la used photography, mais qui là ont magistralement édité 18 planches d’un photographe contemporain, Antony Cairns, qui sont comme des radioanesthésies d’une ville, Londres, vidée et cramée par la radioactivité. On pense à Lynch, à Ballard, à Kraftwerk, à Burial, ou à Sandwell District. Ce ne sont plus que des buildings, des couloirs de métro, des surfaces de béton ou des portions d’autoroute sans humanité, sans lumière, sans air respirable.
J’ai mis un moment à comprendre pourquoi AMC avait sorti ce livre qui ne correspond à rien de leur catalogue -on dirait plutôt, quand on le tient, le dossier médical d’une société malade - mais une fois mis à coté du Landmasses & Railways de Bertrand Fleuret, le sens même de publier LDN chez AMC saute aux yeux : Fabriquer aujourd'hui de fausses archives de demain et collecter des images anonymes venues d'un passé proche, cela revient au même. C'est la même impression d'un monde qui a été rayé de la carte. Hier ou dans le futur, qu'importe. Tout ça n’étant jamais qu'un peu de temps solarisé.
La post apocalypse commence là maintenant, ici et avec eux.
Happy new year to you.
Bertrand Fleuret, Landmasses and Railways, J&L Books, Atlanta, 2009
(le livre est aussi téléchargeable gratuitement en pdf sur www.bertrandfleuret.com, même si l’effet est plus fort avec le jeu d’imprimerie)

Ps: A peine ce post en ligne, on apprend qu'Archive Of Modern Conflict sort cette semaine une suite à LDN, qui se nomme LPT, encore une fois éditée à 100 copies "handmade", dont le désign -tout en métal - à l'air plus dingue encore.
L'intégralité des photos des deux livres est visible sur le site de l'artiste:
http://www.antony-cairns.co.uk/

Antony Cairns, LDN, Archives of Modern Conflict, Londres, 2011
www.amcbooks.com




Sunday 30 December 2012

Serge Clerc, L'Intégrale Phil Perfect, 1981-87


Le trait d’union entre Humphrey Bogart et les Cramps, l’innocence belge de l’école de Marcinelle et la distance post-moderne française. le style Clerc (la ligne Clerc/Claire) a la précision d'une coupé Deluxe roulant à toute berzingue entre le Harry’s Bar et le Mocambo, zigzaguant du bar du Plaza jusqu'au Rose Bonbon.
Objectif 2013 possible : Vivre encore et encore parmi ces Philip Marlowe de crayon - portant costume croisé, moucheté rouge avec boutons de nacre – couverts de pin ups néo Morgan chaussées d’escarpins Balmain 58. Même si je n'ai jamais beaucoup aimé Sinatra (sinon dans Some Came Running, où il est juste dément)

De coutume, on ne referme pas une bd en se disant je voudrais vivre comme ça, m'habiller comme ça, boire ceci et écouter cela, être capable à trois heures du matin de dire des choses comme ça, dans cette langue là. Ou alors, on a huit ans et on voudrait avoir des poings pour pouvoir être Bob Morane, ou Tintin. Phil Perfect, c'est le rêve d'une trajectoire de vie (jusque dans la chute, sinon c'est pas drôle) portée à la perfection du trait. Avec l'âge, on a moins besoin de poing que d'un bon barman.
25 ans nous séparent des grandes bitures cocktail de Phil Perfect et Sam Bronx, des amours contrariées de Phil et Vanina Vanille, et le doute n’est donc plus permis : Serge Clerc est vraiment devenu éternel à force d’être anachronique. Ce qui ne me dit toujours pas si je dois commander un Martini Gin, un breuvage anglo-saxon ou un « Mourir à Stalingrad » - combien de fois va-t-il falloir vous rappeler la composition : vous prenez un grand verre que vous remplissez à ras bord de vodka. Et ensuite ? Ensuite, à la limite, vous pouvez rajouter une olive.


PS : L’Intégrale Phil Perfect qui sort ces jours-ci chez Dupuis démontre qu’au fond Serge Clerc s’est beaucoup moins amusé à dessiner, avec cet inimitable « trait fouetté à la Jijé" l’impeccable Phil Perfect que son meilleur ami, le borderline Sam Bronx, sorte de Fantasio priapique et imbibé de whisky.
PS PS : Aussi soignée soit-elle (et elle l’est), cette Intégrale Ph. Perfect rend plus indispensable que jamais à tout bibliothèque qui se respecte l’édition originale des Mémoires de l’espion, parue en 1982 aux Humanos dans la collection Autodafé, la première au monde à avoir exploré, à l’aube du genre, le roman graphique.
PS PS PS: Je tuerais plutôt que d'échanger mon exemplaire dédicacé de (Grandeur et décadence d'un) Night Clubber, petit livre presque tardif (1990) sorti chez une micro maison d'édition (ComixLand) qui résume en une simple série de cartons d'invitation à des fêtes la vie possible d'un homme. Toute la quintessence de Serge Clerc en quinze pages. Devenu rare.

Serge Clerc, L'Intégrale Phil Perfect, Dupuis, Bruxelles, 2012






Thursday 20 December 2012

Peter Szendy, L'Apocalypse cinéma, 2012

Comme vous, je ne crois pas, ou alors d’assez loin, à l’Apocalypse annoncé pour demain, sinon quoi je ne serais pas là chez moi à écrire ce post que le grand effacement rendra complètement caduque, à propos d’un livre de philosophie cinéphile qui pourrait tout de même lui survivre, si jamais notre mort Maya n’était qu’une farce. Non, si tout devait disparaître soudain, je ne serais pas là devant mon écran, ni vous non plus, je serais dehors à faire une bamboula à tout rompre. Mais si je ne crois pas à l'armageddon, alors pourquoi devrais-je lire ce livre rempli de fables ? Parce qu’il est merveilleusement écrit, peut-être...

«Car le tableau de Bruegel brûle, des morceaux de toile noire carbonisée tombent comme des écailles d’image, mortes. Et bientôt le coin supérieur droit se gondole, se plie, des incandescences trouent la peinture, laissant place au plan suivant : la Terre, ainsi que le point rougeoyant de la planète Melancholia qui, au loin, semble s’en approcher. (…)
les images de ce prélude sont des natures mortes, des allégories glacées et glaçantes. On passe de l’une à l’autre comme on feuilletterai un livre. Page après page, chacune d’elles vibrant d’une pure vibration différentielle qui la retient au seuil du cinéma.
A l’orée, à l’aube d’un cinémonde qui vit déjà de sa propre disparition annoncée. »
(P. 63)


pix: 4:44 (Abel Ferrara)

Peter Szendy, L’Apocalypse Cinéma (2012 et autres fins du monde), capricci, Paris, 2012, 158 pages.

Monday 10 December 2012

Quote (addition to previous post)

'If images don't do anything in this culture, if they haven't done anything, then why are we sitting here in the twilight of the twentieth century talking about them? If they only do things after we talked about them, then they aren't doing things,we are.
Therefore, if our criticism aspires to anything beyond soft science, the efficacy of images must be the cause of criticism and not it's consequence, the subject of criticism and not it's object.And this, I concluded rather grandly, is why I direct your attention to the language of visual affect, to the rhetoric of how things look-to the iconography of desire-in a word to beauty!. 
I made a voilà gesture for punctuation, but people were filing out.My fellow panelists gazed into the dark reaches of the balcony or at their cuticles. I was surprised. Admittedly, it was a goof. Beauty? Pleasure? Efficacy? The Issue of the Nineties? Outrageous. But it was an outrage worthy of rejoinder-of a question or two, or a nod, or at least a giggle. Instead, I had inadvertently created this dead zone, this silent abyss.'


David Hickey, 'Entering the Dragon' in The Invisible Dragon-Essays on Beauty, Foundation For Advance Cultural Studies, 1993.


Sunday 9 December 2012

Remembering 2012: A Photobook List


On a bourré les urnes, rangé, séparé, repoussé, étalé sur la table, mis les trucs en pile (histoire de voir si ça tient: non), fait montre d'une mauvaise foi exemplaire, tout tenté pour arriver à 10 (raté), copié sur les voisins (mais pas tant que ça, au final), menacé de jeter l'éponge ("mais finalement ça a pas été une si grande année que ça, 2012, non?"), pour arriver à ça: un soit disant Graal du photobook 2012 (according to Pornochio).
Qui a dit "c'était bien la peine" ?


André Cepeda – Rien (Pierre von Kleist)
André Principe – Smell of tiger precedes tiger (Piere von Kleist)
Sao Trindade – Bad liver and a broken heart (Ghost)


Je dois me rendre à l'évidence: mes favoris du moment viennent tous de Lisbonne, et appartiennent peu ou prou à la même bande gravitant autour de Pierre von Kleist. Je sais pas si je dois appeler ça une école ou un mouvement, mais ça n’a que peu d’importance, aucun de ces trois livres ne répètant la même chose, sinon une forme d’âpreté au réel.

Quatre livres en deux ans, et André Principe n’en finit pas de traverser le monde visible pour tenter d'en ordonner les secrets – cela passe par des visages, des marches nocturne, des rencontres et tous ces animaux étranges qu'il photographie nous fixant en silence. J’ai de plus en plus le sentiment qu'André ne cesse de différer ses adieux à une vie post adolescente qu’il voudrait étreindre de toutes ses forces mais dont déjà il compte les secondes.

Sao Trindade est plus jeune j’imagine, du moins sa photographie, à fond dans le truc destroy, le laisse croire : Bad liver and a broken heart (beau titre, piqué à Tom Waits) enchaîne des corps de filles et de mecs (un mec, en fait) roulant par terre, viande saoule de désespoir amoureux ou déchirée aux anxiolytiques. C’est sans doute joué, posé, mais son grain est si intense qu’on croit toujours apercevoir un peu du macchabée qui nous pend a nez si on ne lève pas le pied, un jour ou l’autre.

(ps: voir, depuis, le trailer et les précisions de Ghost en comments.)

Rien, c’est une autre paire de manche encore, peut-être mon livre préféré cette année, un grand album noir et blanc ressemblant d’aspect extérieur à un catafalque. Mais l'intérieur est plus abîmé encore: d'immenses double planches dont je suis incapable de rendre compte par les mots (c’est bon signe quand ça résiste à ce point. Je peux toujours en décrire les composantes (là le corps nu d’une femme mature, là des tuyaux, là des plantes grasses, là une peau de bête dépecée), mais cela ne dit rien de l’effroi qui prend à la gorge en regardant cela, bien que le désir d’y replonger soit désormais quotidien. Il y a chez Cepeda quelque chose du grand Dirk Braekman, redécouvert à la fin de l’année 2011, la même présence malade mais sans la béquille de la séduction dont use parfois un peu trop le flamand (corps de mannequin, etc…).


Sam Falls – Val Verde + Life Size (Karma) + Paint Paper Palms (Dashwood)
Falls, 28 ans, et déjà une vingtaine de livres derrière lui, tous sidérants. On ne sait pas quelle peur de mourir nourrit une telle boulimie de travail, on ne sait rien de ce qui le fait courir. En fait, il va si vite qu’on ne sait plus, à l’heure où il nous faut revenir sur son année 2012, s’il fait encore de la photographie ou s’il est passé déjà à un autre stade, plus étrange : la photographie de sa peinture et de sa sculpture (Life Size laisse supposer ça). Disons qu’il a pour l'heure décidé de ne pas choisir. L’année 2012 lui a appartenu, c’est évident, et pour avoir passé douze mois à chasser ses bouquins (dont certains sont tirés à 50 ex.), je me range comme un soldat derrière ceux qui voient en lui le prochain Warhol potentiel (ça saute aux yeux quand on regarde Paint Paper Palms), ou mieux un taré hippie branché "cabane dans le désert", composant des formes avec des pierres, du sable et des pneus, quelque part entre James Rosenquist et Robert Smithson. On y revient en longueur asap.


William Eggleston – Los Alamos revisited (Steidl)
Plus que jamais en 2012, la parano est de mise en ce qui concerne l’édition des photobooks : le marché est devenu fructueux, et se sature lui-même à coups de faux évènements éditoriaux (Six volumes de Gordon Parks à sortir en décembre, était-ce bien nécessaire ?).
Pas ce coup-là. Autant j’avais beaucoup de suspicion à l’égard du trop gros coffret Eggleston/Chromes que Steidl avait sorti l’an passé (au moins un volume et demi de trop) autant cette version extended (le nombre des planches a été multiplié par trois) de Los Alamos (celui de ses livres que je préférais) est une indispensable leçon d’orgueil administrée à chaque page par le vieux Bill.
On a donc pas rêvé : Il y a donc bien eu un moment, au début des années 70, où Eggleston s’est trouvé à la charnière de toute l’histoire de la photographie de l’Amérique : son passé comme son futur. Il y a là, en l’état, tout Walker Evans, tout Winnogrand, tout Robert Frank, tout Lewis Baltz, tout Robert Adams, mais aussi déjà tout Anthony Hernandez, tout Paul Graham, tout Alec Soth, tout John Gossage et tout Doug Rickard. Vielle canaille, vieux salaud.


Adam Broomberg & Oliver Chanarin – Black Market (Chopped Liver Press)
Hummm, on y reviendra peut-être, même si l’objet (tiré à 100 ex) est sans doute déjà épuisé (où finit de l’être). A l’origine, une VHS trouvée sur un marché aux puces du Caire. Dedans, Al suq al Soda, un film néo-réaliste de 1945 du peintre surréaliste égyptien Kamel el-Telmissany. Mais surprise, les 38 premières minutes de la cassette cachent en fait un porno seventies cairote (il y en a donc eu !) bien bouillant. Le livre est une série de captures franches et chronologiques tirée des deux films, et il est, summum du chic fétichiste, vendu avec une copie de la VHS. Si additif que j’envisage depuis de racheter un magnétoscope (et une télé).


Brad Feuerhelm – Vernacular (Self Publish, Be Happy)
Bien sur, vernaculaire est le mot valise dans lequel on a fait rentrer toute la photographie des quatre dernières années. Le prolifique Erik Kessels et les anglais d’Archive of modern conflict dominent la photo trouvée comme personne, le tétanisant Dead men don’t look like me rassemblé par Paul Schiek a impressionné, tout comme le très vif Stip-O-Gram de l'ami Sébastien Girard. Mais il a fallut attendre Offprint en novembre pour voir surgir ce bijoux d’un autre collectionneur anglais, Brad Feuerhelm, enchaînant 54 photographies trouvées (où ça, aux chiottes?) n’ayant pour lien entre elles que leur sexy éprouvé et leur vulgarité lambda.Pourtant Feuerhelm - monteur génial - arrive à tirer de son séquençage une émotion bizarre : sensation, peut-être, de voir défiler l’époque dans sa part brute et épisodiquement imbécile.



Marten Lange – Another Language (Mack)
Je ne sais pas qui est Marten Lange – je m’en fous. Je ne comprends rien à ce livre – c’est pas grave. On y voit des tortues, du bois, des truites, des rochers, la nature élémentaire – toutes ces choses qui en général me gavent. Alors pourquoi, les matins où je me réveillent à 5h, frappé d’insomnie, est-ce vers ce petit livre gris que spontanément je me tourne en espérant trouver consolation? hein ?



Riydai Takano – A (Superlabo)
Go Itami – Mazime 4 (autoédité)

On se plaint beaucoup, ici ou là, de ce que la photographie japonaise ait en ce moment un mal fou à exprimer autre chose que de la joliesse, du mignon, du kawaii (ça devrait changer en 2013 avec la sortie chez Akaaka du Surrounded myself to the chair of life de Jin Ohashi).
En attendant, deux espoirs, ou plutôt deux mystères: Beaucoup d’intensité et de fugacité - à défaut de grands discours - dans le vivifiant Mazime 4 de Go Itami, capable de passer de la plus grande abstraction à des portraits sensuels, ou accidentels (cf. photo ci-contre). Quant au A de Riydai Takano (bouquin inédit mais tiré d'une session de 1999), il vient - en 11 impressionnantes photos d’un homme fort photographié la quique à l'air sous sa douche, mi cancrelat souffrant mi animal méditant, rampant sur le carreau noir et froid de son bain turc - de jeter un pavé dans la mare de la représentation du corps au Japon. Ah.



Arianna Arcara & Luca Santese – Found photos in Detroit (Cesura)
Un des grands moments de l’expo Anonymes d’Amérique qui avait inauguré le BAL (Impasse de la défense, Paris 18ème) il y a deux ans. C’est enfin un livre : ramassis informel de photographies trouvées dans les rues de Detroit. Des clichés attaqués par l’érosion, la flotte, l’humidité, ou tout simplement par le mépris généralisé à l’égard d’une classe sociale expulsée en masse depuis le credit crunch de 2008. Soit la version photographiée de ce que raconte Mad Mike depuis + de 20 ans.


Arne Schmitt/ Andrzej Steinbach – It was the streets that raised me, streets that paid me, streets that made me a product of my environment (Spector Books)
Celui-là non plus ne veut pas partir, dès mois après son acquisition. Confrontation de photos urbaines (faites à Leipzig en 2009) avec des captures de vidéos hip hop américaine des 80’s. Sentiment étrange d’évoluer dans un non-pays, dans une non-lande, avec la violence américaine (dans son fantasme disproportionné) pour seul référent miteux. Aussi calme soit-il, ce livre laisse un drôle de goût dans la bouche, à bien y réfléchir.


Ute Mahler & Werner Mahler – Mona Lisen, der vorstädte (Meier und Muller)
J'aime plus que de raison les Mahler, couple mythique de la photographie de presse (mais aussi de mode) de l'Allemagne de l'Est des années 70. Toujours en activités, toujours impeccables, ils livrent ici une série de portraits noirs et blancs (d’un clean presqu’angoissant : véritable précipice dans le vide) de 30 jeunes femmes dévisageant le paysage urbain sans grâce dans lequel, Mona Lisa des terrains vagues, elles vivent. Dans un genre similaire (le portrait plein pot), le nouveau John Gossage, She called me by name, est très bien, lui aussi.

Ida Pimenoff – A shadow at the edge of every moment (Kehrer)
«Sometimes you may dream of a person you haven’t seen in years or of someone who is distant in some other way, dead even.» Beaucoup d’attachement pour ce livre impressionniste et discret (les branchés sont passés à côté : c’est pas plus mal), le troisième d’une jeune photographe finlandaise née à Helsinki en 1977. Difficile d’en parler sans bousculer le silence rêveur qui fonde son approche. A ranger doucement, jamais trop loin du Let’s sit down before we go de Bertien van Manen (chef d’œuvre méconnu de l’an 2011) et de l’hallucinant I want to eat de Mariken Wessels


Johan Sundgren – By Lamplight (Journal) Je tiens Journal, maison d’édition basée à Stockholm, comme une des meilleures adresses au monde. Ce livre le prouve : son auteur, un suédois de 40 ans, a bossé quelques mois comme aide sociale auprès de personnes âgées. Ok. Il a établi avec eux un pacte : eux et lui se photographiant à tour de rôle. Ok. Ce qui ne dit toujours pas pourquoi on tient là un nouvel épisode d’une photographie suédoise impudique mais sidérante d’humanité telle que l’a inventée Anders Petersen et perpétuée JH Engström.


Paul Graham – The Present (Mack)
Rencontrer enfin longuement Paul Graham, à New York en juin, fut pour moi un moment journalstique précieux - le genre de moments qui fait croire que l'on a raison de continuer. Durant la conversation, le smart et glacial Graham a évoqué à plusieurs reprises son ami Michael Schmidt, et surtout combien à chaque nouveau livre Schmidt arrive à perdre son public, tout simplement parce qu’il faut des années pour comprendre où il veut en venir. Bien sur, Graham ne citait pas Schmidt par hasard, ultra conscient que The Present, ce livre photo/philosophique qui clôt de façon angoissante sa trilogie américaine (entamée avec American Night et poursuivie par le masterpiece A Shimmer of possibility) serait en 2012 un livre aussi célébré qu’incompris. Ce fut le cas, effectivement, le projet ayant clivé le monde riquiqui de la photographie entre détestation pure, reniement sous les glaviots et adoration embuée. Très très haut dans les sommets de ma liste.



Tuesday 4 December 2012

Dark Britain by Ben Myers

TEN UK POST-WAR NOVELS THAT LURK IN THE SHADOW 
A selection by Ben Myers

Je n'ai jamais rencontré Ben Myers. Je m'en fous, je pense que lui aussi puisqu' on a l'air d'aimer les mêmes livres. Ben a fait le choix de vivre au grand air pour mieux écrire (comme il me le dit, « je ne sais rien faire d'autre »). Avec Adelle, ils ont fait du North East leur prime inspiration. A travers Pig Boy (more here about it), troisième livre de Ben, comme chez Gordon Burn - merci, Ben, merci - il pleut dehors comme dedans. Mais,autant qu'il peut, le West Yorksihre se fait aussi touchant dans cette histoire de knuckle fights, débilité légère, amour ratés, joies simples, zone bucolique, ratages inéluctables.
Ben vient de m'envoyer The Bairn (le gosse en Northern slang), son nouveau livre, à sortir... Avec d'autres, il construit, les wellies dans la boue, ce campag-noir, comme un pendant sombre du Gentleman farmer qui vient à l'esprit de nos compatriotes à peine 'Campagne Anglaise' sortie de notre bouche.
On y reviendra (sur Ben). Mais on ne pouvait pas attendre pour vous faire partager son bon goût, terroir et gouttière. Et l'on vous conseille de suivre ses autres lectures ici...



GBH
by Ted Lewis

The best work by the author known for writing Get Carter, GBH delves deep into the murky world of a pornographer who flees London for the grey seaside town of Mablethorpe. Increasingly paranoid as it charges toward a grim conclusion, it captures perfectly the essence of 1970s dead-end England.

The Siege At Trencher’s Farm
by Gordon Williams

George Magruder is an American writer who relocates to rural Cornwall with his wife and child to write in peace – but the backwards, hillbilly locals have other ideas during a claustrophobic snowed-in, winter. The Siege At Trencher’s Farm gained fame and controversy when it was drastically reworked as Straw Dogs.

GB84
by David Peace

Margaret Thatcher’s ego-driven class war against the mining industry in the 1980s created one of the darkest periods in British history, the political and social repercussions of which are still being felt today. Peace presents a forensic and gripping study of the minutiae and mechanics of the trade unionists versus representatives of The System.

Happy Like Murderers
by Gordon Burn

The disturbing story of couple Fred and Rose West, who kidnapped, tortured and killed at least eleven girls and women, forms the basis for a narrative that raises journalism beyond the cold hard facts of reporting and into the realm of classic literature.

Young Adam
by Alexander Trocchi

Trocchi’s tale of a young – possibly sociopathic – barge-worker in Glasgow is taut and tense and as black as the waters of the River Clyde. The 2003 film adaptation starring Ewan MacGregor is well worth watching too.

The Hounding Of David Oluwale
by Kester Aspden

The story of Nigerian immigrant Oluwale, a homeless victim of systematic racism and police brutality in Leeds during the 1960s, is as shocking as it is sad and as brilliantly researched as it is compelling.

The Long Firm
by Jake Arnott

The criminal underworld of London in the 1960s has been well documented, but few have done is as well as Jake Arnott in The Long Firm, whose narrative weaves together five different stories and features many real life characters, all centred around homosexual gangster Harry Starks.

This Sporting Life
by David Storey

The rough and tumble world of rugby in a tough Yorkshire mining town forms the backdrop for This Sporting Life, in which brooding Arthur Machin embarks on a relationship with his recently widowed landlady. Again, Lindsay Anderson’s film adaptation is a classic.

The Grass Arena by John Healy

Like an infinitely more disturbing version of Orwell’s Down And Out In Paris And London, Healy’s autobiography about his years as an alcoholic on the London streets may well be the best ever study of the ills of drink. There’s no romance or bar-stool philosophising here, just violence and madness.

The Not Knowing by Cathi Unsworth

What Cathi Unsworth doesn’t know about London noir and alternative pop culture is not worth knowing. One of the UK’s leading crime writers, this debut combines the two in a 1990s story about a murdered film director, a music journalist and a highly creepy crime writer.


Ps:on vous laisse chercher les traductions (certains, pas tous) en Francais..

Tuesday 20 November 2012

Wednesday 14 November 2012

ten poetry books from Adelle Stripe


J'ai une petite dent contre les 'théâtreux' comme j'ai un peu peur des poètes. Dans le bon sens, ceci dit. Par exemple, Pennequin et Quintane me troublent politiquement et poétiquement. Et j'aime ca.

Je me suis un peu battu ici pour Sean O' Brien, je lis en ce moment le magnifique Correspondences d'Anne Stevenson, je potasse calmement la vie de Sylvia Plath (comme Adelle le fit un temps) mais sinon je m'y perds un peu, dans la Poésie. Une lacune, comme on dit a l'ecole.
 

Adelle Stripe est une poète et une amie. Ça aide. Une 'brutaliste' comme elle le dit:

"Brutalism calls for writing that touches upon levels of raw honesty that is a lacking from most mainstream fiction. We cannot simply sit around waiting to be discovered — we would rather do it ourselves. Total control, total creativity. The Brutalists see ourselves as a band who have put down their instruments and picked up their pens and scalpels instead. 

 Chez Adelle, c'est comme une intimité dévoilée (dé-violée j'ai envie de dire, et ça sans pathos), mise en extérieur, cet extérieur du Nord de l'Angleterre où elle vit avec Ben Myers (qui, lui, nous guidera next stop au fond du British Noir). Sa poésie est mise en perspective (politique? oui aussi). Tripes, Nature et propositions.


Dark Satanic Mills (son site) ou Dark Corners of the Land, son dernier recueil chez Blackheath Books le crient: il pleut sous le soleil,inside and outside, une certaine vision de la Campagne Anglaise que l'on retrouvera, en un sens, dans le Pig Iron de Ben. Bucolisme quand tu nous tiens...

'With my plastic syringe,
I Dribbled the first milk
onto my wrist
and gripped Waldorf between my legs,
head-locking him

until he gagged
from my surrogate pipe

I wrapped him up in a muddy blanket
dipped iodine on his umbilical cord,
held him close, my triplet runt,
pretended my heartbeat
would send him to sleep'

(in 'First Milk')


La poésie (comme la campagne) est faite pour se perdre, nous dit l'autre. Certes, mais il faut bien un point de depart pour s'égarer.


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Ten Poetry Books for Your Shelves  (a selection by Adelle Stripe)

1.    Dissafections, Cesare Pavese
Pavese was a talented translator, critic and novelist, yet his poems stand up as some of the best examples of post-war Italian poetry in my opinion. A prominent anti-fascist, he was a political prisoner and a member of the Italian Communist Party. His later poems are distinctive as they were written close to his death – they reflect his doomed love affair with the actress Constance Dowling, and in some respects, his political disillusionment. Death Will Come with Your Eyes is particularly bleak, but has incredible power. This book is the definitive collection of his poetry and is worth every penny.
‘Death will become your eyes; / death, that is with us / from daybreak to dusk / restless and deaf, / like an old regret / or a life-long habit / you tried to shake off.’

2.    Clouded Sky, Miklós Radnóti
Radnóti was a Hungarian poet who died in The Holocaust. These poems were written in transit on the road leading to his death. He was shot and his body was thrown into a mass grave. After the war, the bodies were exhumed, and his clothing contained a notebook with these final poems. They represent some of the few works of literature composed during the Holocaust that survived. His best known poem is the fourth stanza of Postcard where he describes the shooting of another man and then envisions his own death:
‘I fell next to him. His body rolled over. / It was tight as a violin string before it snaps. / Shot in the back of the head – “This is how / you’ll end.” “Just lie quietly,” I said to myself. / Patience flowers into death now. / “Der springt noch auf,” I heard above me. / Dark filthy blood was drying on my ear.’

3.    The Wild God of the World, Robinson Jeffers
Jeffers is one of the finest American poets of the last century, but he hardly ever gets a mention in the UK. I’m not sure why this is, but I think he’s an important figure in the development of American literature, and deserves more respect than he currently receives. His work is often cited as environmentalist, and there are strong natural images and motifs in all of his work. He was misanthropic to a certain extent, and built his own tower in Carmel (Tor House) facing out to the Pacific. His long narrative blank verse poems, Tamar and Roan Stallion delve into incest and murder through an epic lens, yet it’s his shorter poems, Hurt Hawks and The Purse Seine that have really influenced my own writing over the past few years:
‘We had fed him six weeks, I gave him freedom, / He wandered over the foreland hill and returned in the evening, asking for death, / Not like a beggar, still eyed with the old / Implacable arrogance. / I gave him the lead gift in the twilight. / What fell was relaxed, Owl-downy, soft feminine feathers; but what / Soared: the fierce rush: the night-herons by the flooded river cried fear at its rising / Before it was quite unsheathed from reality.’


4.    A Soul for Sale, Patrick Kavanagh
I first came across Kavanagh’s work after watching a play by Tom O’Brien about Kavanagh and Behan’s relationship with the same woman. There was real friction between the two, yet it was Kavanagh’s story, as an uneducated farmer (or a ‘culchie’ as Behan called him) who dreamed of being a poet that struck me. His poetry captures a sense of rural life that is rarely found in ‘pastoral’ poetry – by that I mean urban poets writing about their idealised vision of the countryside. The Great Hunger is perhaps the finest example of an epic poem about masturbation in existence. I have read it many times and find something new to love about it in each new reading. It grapples with the church, women, shame, frustration and one man’s obsession with his land. This is authentic writing from a man who was completely self-taught. That he became one of Ireland’s finest poets is of great testament to his determination and talent:
‘But his passion became a plague / for he grew feeble bringing the vague / women of his mind to lust nearness, / once a week at least flesh must make an appearance’


5.    Only in the Sun, William Wantling
Wantling was one of the most original and exciting poets to emerge from the 1960s small press scene. The Korean War, heroin addiction, and 5 years in San Quentin Prison all fell under Wantling's unique gaze. These were experiences he lived, wrote about and for which he is best known. Wantling also wrote many touching and provocative poems about love and alienation in a hostile world. Michael Curran has recently re-published his work on Tangerine Press. His books have really done justice to this underrated poet: 
‘Shuffling through the prisons, madhouses / hospitals – scrambling out of deserts to the mountains and the / beaches: I scribbled as I passed by, leaving my signal perversion / behind.’

6.    Moortown, Ted Hughes
I must admit to only reading this collection twice before swearing never to read it again as its words branded into my head. Writers carry around the anxiety of influence and for me, I have to steer well clear of Ted Hughes for fear of picking up his words. He grew up in the same town where I live, and over the years I’ve walked the same hilltops as him, and have re-traced his poems through my footsteps. Moortown is one of his works that had a huge impact on me; it’s his diary of working on a farm in Devon. Hughes understands rural life, and pictures it in a raw, violent and visceral way. This is one of his greatest works and the book I always recommend:
‘Turned the cows out two days ago. / Mailed with dung, a rattling armour, / They lunged into the light, / Kneeling with writhing necks they / Demolished a hill of soil, horning and / Scouring their skull-tops.’

7.    Birds, Beasts and Flowers, D.H. Lawrence
Although he’s better known for his fictional works, this is Lawrence’s first great experiment in free verse; it was published in 1923. This collection really struck a chord with me whilst writing Dark Corners of the Land. Although some of his metaphors are a bit obvious, I still think poems such as Snake are an underrated cornerstone in the genesis of modernist poetry. As a collection, it works a treat. Just one of those books that I’ll return to time and time again:
‘I think it did not hit him, / But suddenly that part of him that was left behind convulsed in undignified haste./ Writhed like lightning, and was gone /  Into the black hole, the earth-lipped fissure in the wall-front, / At which, in the intense still noon, I stared with fascination.’

8.    River of Stars, Yosano Akiko
Yosano Akiko is one of those most controversial female Japanese writers of the twentieth century. Although she’s best known for her erotic poetry, her writing also championed the causes of pacifism, feminism, and social reform. She was the first poet in Japan to openly criticise the emperor, an act that caused such rage in the population that her house was stoned. Akiko represented a new form of poetry that spoke from the heart, was stripped of artifice, and was written in a language that everybody could understand.  Her tankas in particular are worth checking out:
‘Were they bitter or / were they somehow sweet, the tears / that youthful priest shed / there on the street when he / first looked at me?’

9.    Hitler Painted Roses, Steve Richmond
Richmond created thousands of gagakus over his lifetime, but despite the vast number, they all have the same name. I like this gagaku written about Venice Beach in the early 1990s, where the poet meets a street performer who doesn’t recognise him. Richmond, by this time, had been a drug addict for many years, and had squandered his family’s inheritance. He was homeless and had lost his teeth – a stark contrast to the swaggering, handsome young man that had first befriended Bukowski in 1965:
‘I walked out to where he / played and I recognized him but he didn’t / recognize me / after 5 minutes he rested and I asked if I might give him a / bottom rhythm on his big tumba and he said / NO / then I asked him about some local from th’past and he said / OH YEAH MAN! I KNEW HIM! I SAW HIM PASSING OUT THAT FUCK HATE PAPER RIGHT THERE and he pointed to the big store at / rose avenue and the boardwalk and / it was quite interesting to hear how he described me / not knowing I was / me’


10. To Bedlam and Part Way Back, Anne Sexton
Of all the confessional poets, Sexton is one of the brilliant, vibrant and white hot writers of her generation. These poems were written as part of her psychoanalysis treatment. Sexton and Plath would compare notes on their various suicide attempts. Diagnosed with bipolar disorder, she had suffered from severe mental illness throughout her life, and the poems are a particularly hard-hitting reflection of life in mental institutions:
‘You, Doctor Martin, walk / from breakfast to madness. Late August / I speed through the antiseptic tunnel / where the moving dead still talk / of pushing their bones against the thrust / of cure.’