Sunday, 30 December 2012
Serge Clerc, L'Intégrale Phil Perfect, 1981-87
Le trait d’union entre Humphrey Bogart et les Cramps, l’innocence belge de l’école de Marcinelle et la distance post-moderne française. le style Clerc (la ligne Clerc/Claire) a la précision d'une coupé Deluxe roulant à toute berzingue entre le Harry’s Bar et le Mocambo, zigzaguant du bar du Plaza jusqu'au Rose Bonbon.
Objectif 2013 possible : Vivre encore et encore parmi ces Philip Marlowe de crayon - portant costume croisé, moucheté rouge avec boutons de nacre – couverts de pin ups néo Morgan chaussées d’escarpins Balmain 58. Même si je n'ai jamais beaucoup aimé Sinatra (sinon dans Some Came Running, où il est juste dément)
De coutume, on ne referme pas une bd en se disant je voudrais vivre comme ça, m'habiller comme ça, boire ceci et écouter cela, être capable à trois heures du matin de dire des choses comme ça, dans cette langue là. Ou alors, on a huit ans et on voudrait avoir des poings pour pouvoir être Bob Morane, ou Tintin. Phil Perfect, c'est le rêve d'une trajectoire de vie (jusque dans la chute, sinon c'est pas drôle) portée à la perfection du trait. Avec l'âge, on a moins besoin de poing que d'un bon barman.
25 ans nous séparent des grandes bitures cocktail de Phil Perfect et Sam Bronx, des amours contrariées de Phil et Vanina Vanille, et le doute n’est donc plus permis : Serge Clerc est vraiment devenu éternel à force d’être anachronique. Ce qui ne me dit toujours pas si je dois commander un Martini Gin, un breuvage anglo-saxon ou un « Mourir à Stalingrad » - combien de fois va-t-il falloir vous rappeler la composition : vous prenez un grand verre que vous remplissez à ras bord de vodka. Et ensuite ? Ensuite, à la limite, vous pouvez rajouter une olive.
PS : L’Intégrale Phil Perfect qui sort ces jours-ci chez Dupuis démontre qu’au fond Serge Clerc s’est beaucoup moins amusé à dessiner, avec cet inimitable « trait fouetté à la Jijé" l’impeccable Phil Perfect que son meilleur ami, le borderline Sam Bronx, sorte de Fantasio priapique et imbibé de whisky.
PS PS : Aussi soignée soit-elle (et elle l’est), cette Intégrale Ph. Perfect rend plus indispensable que jamais à tout bibliothèque qui se respecte l’édition originale des Mémoires de l’espion, parue en 1982 aux Humanos dans la collection Autodafé, la première au monde à avoir exploré, à l’aube du genre, le roman graphique.
PS PS PS: Je tuerais plutôt que d'échanger mon exemplaire dédicacé de (Grandeur et décadence d'un) Night Clubber, petit livre presque tardif (1990) sorti chez une micro maison d'édition (ComixLand) qui résume en une simple série de cartons d'invitation à des fêtes la vie possible d'un homme. Toute la quintessence de Serge Clerc en quinze pages. Devenu rare.
Serge Clerc, L'Intégrale Phil Perfect, Dupuis, Bruxelles, 2012
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