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Wednesday 4 November 2009

Luc Sante, My Lost City, 2007

Il sait à quel numéro de venelle se cachait tel boxon en 1890, mais il est incapable de nostalgie. Tant mieux, puisque c’est sous couvert de nostalgie qu’est apparue sous Giuliani la gentryfication, l’aseptisation, l'embourgeoisement – peste moderne, blanche, neutre, propre, sécuritaire qui a transformé la ville connue sous le nom de New York en autre chose - un supermarché bio pour adolescents à la coule?
Déjà cité ici, ça et là, en filigrane par Garnier comme par Ivan (en général, le nom de Dave Hickey n’est jamais loin), Luc Sante (critique littéraire, journaliste, écrivain, éditeur de polars "hard boiled", prof d’histoire de la photo) est cet homme qui, selon son ami Jim Jarmush, possède «l’érudition la plus excitante qui soit». Soit. Sante est né en Belgique, ses parents ont migré aux USA quand il n’avait que cinq ans. Il découvre NY à 14 ans, en 1968, et entame avec elle une relation d’amour/haine de plus de trente ans, placée sous le sceau de la déception. Jusqu'à ne plus vouloir (ni pouvoir?) y vivre depuis dix ans (a-t-il a perdu sa ville, ou s'est-elle perdue?). Sante reste toutefois, pour une génération entière de provinciaux épris d’underground ayant échoués dans les années 70 dans le Lower East Side, le seul historien total de New York. Le seul en tout cas (avec le Nik Cohn de Broadway la grande voie blanche) à restituer cette ville dans sa dimension de pourriture, de violence quotidienne et de subculture attractive.
Low life : lures and snares of old new york, son livre phare,dont s'est beaucoup nourri Scorcese pour Gangs of New York (ok, le film était méchament raté), n’en finit plus d’attendre une traduction française - qui le hisserait au niveau de popularité d'un Greil Marcus... mais comme rien n’est annoncé pour les quarante prochaines semaines, vous pouvez toujours vous rabattre sur My lost city, un chouette mais mince recueil d’articles dessalés traduit, il y a six mois, en français. Woody Allen peut toujours jouer du pipeau...


«Tandis que nous somnolions, l’argent s’insinua lentement, imposant peu à peu sa présence, de mille manières étrangement disparates et apparemment périphériques. Le phénomène nouveau des vendeurs de rues fut le premier signe. Avant le début des années 80, vous n’auriez jamais vu de gens vendre de vieux livres ou des ordures variées au milieu du trottoir dans des boîtes en carton. Si vous vouliez vraiment vendre quelque chose, vous pouviez toujours louer une devanture pour presque rien, à condition de ne pas faire trop le difficile sur l’emplacement. Mais désormais, avec une grande célérité, Astor Place devenait un vaste marché aux puces, plein de vendeurs qui allaient de collectionneurs de vieux comic books aux optimistes essayant de se débarrasser de ce qu’ils pouvaient bien avoir tiré des poubelles la nuit précédente. Ce que cela signifiait, cependant, c’était que tous ceux qui, jusque-là, s’en étaient sortis au petit bonheur la chance ou grâce à leur charme avaient désormais sérieusement besoin de cash. Il existait à présent des consommateurs disposés à débourser des billets pour des babioles jadis disponibles gratuitement pour qui savait lire le langage de la rue. La raison pour laquelle les luftmenschen avaient besoin de dollars était en partie la hausse considérable du trafic de l’héroïne, causée par une chute abrupte des prix. Tout d‘un coup, des gens qui n’avaient été que des consommateurs occasionnels se retrouvaient accros.»

Luc Sante, My Lost City (Kill All Your Darlings), 2007, édition française : Inculte, 2009.

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