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Disorder in Discipline-



Sunday 5 April 2009

Oriol Maspons, Gauche Divine, 1965-1978




Le printemps naissant ayant rendu l’ensemble de Discipline in Disorder un brin lazy, il fallait quelque chose pour se relancer en beauté ET en douceur. Oriol Maspons est notre homme. Complètement ignoré en France, tout comme la quasi totalité des photographes espagnols (à l’exception récente du bel abimé Alberto Garcia-Alix, dont on reparlera à l’occasion, et au détriment de ce génie foudroyé trop tôt qu’était Juantxu Rodriguez, dont je me promets de vous faire l’éloge dans les semaines qui viennent), Maspons a fait une grande partie de sa carrière comme photographe de presse. Il s’est fait remarquer à 30 ans en 1958 avec un livre qui s’appelait « Toreo de salon », où l‘on pouvait voir sur une page des toréadors légendaires poser en tenue dans leur intérieur, et sur l’autre des gosses du barrio se prenant pour Chamaco enchaîner les passes dans les ruelles sordos du Poble Sec de Barcelone, avec en guise de taureaux des charrettes poussées par des olvidados de 8 ans.
Après quoi, Maspons entra à la Graceta Illustrada où il rencontrera Xavier Miserachs, photographe à l’approche plus documentaire, et Colita, plus influencée quant à elle par la grande photo de mode. Poussé par une saine émulation, écartelé entre ces deux tendances, Maspons affirma à partir de là un style davantage construit, presque ironique, avec une touche pop affirmée, qui en fit instantanément un William Klein catalan. Par affinitées électives, ces trois là devinrent naturellement les chroniqueurs de la « Gauche Divine ».
Qué es la « Gauche Divine » (sinon le titre d’un livre, à relire, de Baudrillard) ? Un des mouvements les plus informels qui soit. Une intelligentsia barcelonaise, bien née (« hijos de papà » comme ils disent là-bas, quand ils veulent les railler) constituée d’écrivains (Juan Marsé, Rosa Regas, Terenci et Anna Moix, Carlos Barral), de mannequins (Elsa Peretti), d’artistes (Ricardo Boffill, Serrat), de cinéastes (l’Ecole de Barcelone emmenée par Joaquin Jorda et Vicente Aranda) et de fêtards, à laquelle se sont vite agrégées quelques émigrés latino américains (Gabriel Garcia Marquez, Mario Vargas Llosa: c'est pas rien) et des soutiens cosmopolites.
Dès le mitant des années 60, cette coterie chic était à la fois pleine d’insouciance et de désarroi. Elle n’en finissait plus de compter les heures qui la séparerait du jour où cette vieille carne fasciste de Franco crèverait la bouche ouverte. La "Gauche Divine" (expression forgée directement en français pour faire plus snob, plus nouvelle vague, par le journaliste Juan de Segarra) rencontra le néo-Marxisme tard dans la nuit au Bocaccio ou à la Cova Del Drac, les deux boites incontournables du Barcelone de l’époque, donnant à la conscience de gauche d'inattendus contours sensuels. De villégiatures cools à Cadaqués – où ils croisèrent la route des premiers hippies- en pèlerinages respectueux chez Dali à Port Lligat, dans les ruelles du early Ibiza comme sur les plages de l’Ampordan, lls s’opposèrent à la chape de plomb franciste à coups de fêtes torrides et déshabillées.
Ils firent bande à part, agitèrent, mobilisèrent un peu, fondant même quelques éphémères organisations clandestines, publièrent poèmes, disques, films et manifestes... mais firent surtout beaucoup parler d'eux en vivant au nez et à la barbe de Franco une existence hédoniste férocement outrageante ("Droit Divin" vs. "Gauche Divine", et divine car montrant son cul à l’église catholique espagnole, vieux soutien indéfectible de Franco - ce qui explique par ailleurs pourquoi les mouvements anti-fascistes ibériques empruntent systématiquement un terrain blasphématoire), menant une vie idéalisée, décalquée sur les créations de Paco Rabanne, les comics Pop façon Pravda la survireuse, les films de Bunuel –interdits là-bas,mais qu'ils allaient voir à Perpigan-, et globalement sur tout ce qui de près de loin pouvait concerner le psychédélisme, la liberté individuelle et l’affront. La Movida, 10 ans avant. Avec un parfum de noctambulisme néo-Sagan bien effondré. Remplacez Divine par Caviar, et vous obtiendrez.....
La Gauche Divine n’aura pas la patience d’attendre la mort de Franco (en 75) pour se disloquer. Elle s’évanouira dans la nature aux premières heures de 1970, prise tout à la fois dans ses contradictions, sa trop grande désinvolture, trop d’insomnie, trop de champagne aussi, et quelques œuvres à faire en solitaire. Restent au final les photos de Xavier Miserachs et de Colita, et surtout surtout celles, toujours un peu sardoniques, d’Oriol Maspons, disponibles entre autres dans la démocratique collection PhotoBolsillo, sorte d'équivalent espagnol en mieux de nos vieux Photopoches.

Oriol Maspons, Xavier Miserachs, Colita, Gauche Divine, Iveco Pegaso, 2001

Oriol Maspons, PhotoBolsillo 33, La Fabrica, 2001

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