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Thursday 25 March 2010

Toyohara Yasuhisa, Vanishing Light, 1991-2001

Fascination durable pour les marinas. Les complexes balnéaires. L'architecture en béton armé des studios de location - tentes blanc-cassées & balcons écaillés. Mes vieilles pierres à moi, l’endroit de ma réminiscence. Cette lumière aveuglante passée 11h30 A.M. et ce son de l’air ravalé par les eaux, semblable à un ballon crevé. Le soleil qui ravage tout, les cheveux collés par le sel, et l’iode. Ta serviette est et restera humide, deux filles traînent une démarche de crabe sur le goudron brûlant du parking, tu envies la fatigue sexy de leurs visages assommés par des heures vides à lutter en vain contre l’anesthésie estivale, contre la puanteur plastique des bouées gonflables, le bruit des raquettes. Contre cette odeur de chair cuite et de Taouk graisseux. Ta peau irritée par le pincement des gravillons accolés à la dalle dure sur laquelle tu as choisi de poser ta serviette, tu n’arrives pas à cacher ta tristesse quand à cinq heures du soir la mer remonte par vagues, et que l’ombre gagne sur le sable en redessinant la silhouette d'une roche - l’heure de faire un programme pour ce soir. On rentre? j’ai froid.



(quelques lignes quand même pour vous dire de quoi il retourne dans ce beau livre complètement ignoré. D'abord couve un projet de dingue, comme on les aime: Toyohara Yasuhisa a passé une décennie entière à photographier les japonais à la plage – plages toutes identiques aux nôtres, quoique peuplées de corps qui acceptent encore difficilement de s'exposer à demi nu en public. Mais cette pudeur n’est pas le sujet. Ce qui est saisi ici, c’est la séquence entière d’une journée où il n’y a plus d’actions à proprement parler – à la plage, on ne fait rien – mais des accumulations de mouvements désynchronisés, d’infimes efforts qui se heurtent les uns aux autres et qui ne mènent à rien. Sinon à tenter de s'inscrire dans un espace qui ne nous est plus assigné. Ces corps perdus, chaque photo de Yasuhisa les réinscrit dans un autre cadre (d’une étrange proximité, tel un Garry Winogrand nippon), et sous une lumière lentement déclinante. Qui a grandi avec la Méditerranée en face des yeux refermera ce livre en retenant ses larmes.
On en profitera pour s’interroger: Pourquoi la totalité des photographes occidentaux (je mets à part Claude Nori) se croient-ils obligés de traiter les vacances à la mer sur un ton ironique, sinon émoustillé, quand les asiatiques (et quelques artistes arabes) au cinéma (A Scene at the sea) comme en photographie, ont fait de "l'heure maritime" le sujet d’une mélancolie océanique ?)

Toyohara Yasuhisa, Vanishing Light (1991-2001), Wides Shuppan, Tokyo 2003

7 comments:

  1. mon projet avance beaucoup en ce moment je trouve des docs incroyables sur les marinas de Jounieh, je te montrerai

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  2. Est ce qu'il y a un site ou livre ect...
    avec plus de cliché de Toyohara Yasuhisa ?
    je trouve la photo superbe.

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  3. Hélas, Hélas, comme tout ce qui nous vient du Japon, c'est très dur de commander l'objet sur le net. Mais je sais qu'il y en avait quelques exemplaires il y a deux mois chez Dashwood à New York, et Dashwood vend aussi en ligne, donc le mieux est de les contacter. Quand à un site, j'ai du aller moi même scanner (mal) trois pauvres photos pour pouvoir poster ce petit texte, tellement le net était pauvre en référence.

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  4. Il a aussi fait un livre de street photography 'STREET' très bon aussi!
    http://gouldbookbinder.tumblr.com/tagged/Yasuhisa-Toyohara

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