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Disorder in Discipline-



Sunday 1 May 2011

Miroslav Tichy, Catalogue ICP New York 1960-1995; Gerrit Petrus Fieret, Foto en Copyright vol.2, 1965-1975

Deux très grands, très troublants, érotomanes. Tout d'abord, Miroslav Tichy, archétype du clochard céleste, art brut superstar abrité dans une cabane insalubre en Moravie (mort-à-vie ?), fabriquant lui-même ses appareils photos à partir de conserves, ponçant ses lentilles avec de la cendre et du dentifrice, rodant dans Prague, inoffensif et tremblant : il passait ses après-midi à photographier des femmes, aperçues de loin dans la rue, suspendues au feu rouge, saisies au moment où elles prennent appuient sur leur jambe pour entrer, toute jupe retroussée, dans une voiture. Ou l’été, en bord de lac, en maillots de bain deux pièces. Femmes anonymes et inaccessibles, dégageant une aura sensuelle dont il avait décidé tout seul de se faire le capteur.
Tichy marchait sur ses œuvres, les laissait traient par terre dans sa cabane pue-la-pisse, taudis parsemé de tirages uniques prenant la poussière, la saleté. Il vivait avec ça : ces quelques centaines de clichés tirés sur du papier jauni pour seule rampe d’une existence de loque faisant le zigzag entre le caniveau et le sublime. Le même miracle artistique a été répété sur des années sans que personne n'en sache rien (jusqu'en 2004, quand Harald Szeemann exposa son incroyable découverte à Séville). On ne sait même plus s’il faut, devant cette ignorance, accuser la chape de plomb du communisme : il semblerait que Tichy se soit enfermé tout seul, enlisé volontaire dans son obsession, face à ces femmes devant lequel il se tenait à distance, apeuré : voyeur en même temps qu'innocent. Dans ses photos, la femme nage dans le flou - comme si elle n’avait jamais été qu’un mirage à coté duquel il lui était interdit de s’asseoir. Dans le catalogue publié par Steidl pour l’expo à l’ICP de New York en 2010,avec des textes de Nick Cave et Richard Prince!, catalogue mille fois supérieur dans ses tirages à celui publié par Beaubourg en 2008 (quelle ironie : se faire rattraper par le succès à 82 ans et mourir à 85 ans), on note que sur certains tirages, il repassait les silhouettes -les mollets, les haches- au crayon à papier. Caressant d’une mine ses petits fragments de paradis.

A découvrir de toute urgence, dans la même veine pauvre, brute, folle, Gerrit Petrus Fieret, surnommé par certains le Tichy Hollandais, parce que basé à La Haye. Parce que cloche, lui aussi, ou semi cloche. Parce qu’obsédé total. Et le même génie brut dès qu’il s’agit de prendre en photo le visage ou le corps d’une fille. La même négligence après, des taches de rouilles sur certaines images, des bords mangés par la lumière, ces centaines de clichés développés mais comment? dans quelle bassine? mélangés à quelle eau de vaisselle ? Entre 1965 et 1975, G.P. Fieret tamponnait systématiquement ses tirages de son copyright: GP Fieret PO BOX 117. Den Haag. Holland.– on voit bien que ce n’est pas la photo qui est ainsi assignée à son propriétaire, mais l’instant d’intense sensualité à partir duquel est née cette photographie. Cet instant là,avec cette fille là, lui appartient à lui et à lui seul : il nous en cède la reproduction. C’est tout le hors champ de cette pose qui est tamponné, territorialisé. Fieret, comme Tichy, est mort dix minutes avant la reconnaissance internationale. Jusque là, seuls quelques collectionneurs hollandais savaient, pour lui en avoir commandé, qu’il vivait du commerce de photos licencieuse. Est-ce pour cela que son œil voit moins flou que celui de Tichy ? Il est moins rongé par la panique. Il est plus entreprenant. Ses photos sont celles d’un type que la caméra protège, ou excuse. Il sait qu’il n’a pas la tête qui autorise à capturer ses filles là, sublimes, (quand lui faisait presque peur), mais il sait aussi que la photographie l'a quand même choisi pour héros, la grâce lui est tombée dessus - Quasimodo, collectionneur de beauté.


Gerrit Petrus Fierret, Foto en copyright volume 2, Uitgeverijvoenoot fotomuseum Den Haag,Hollande, 2010

Miroslav Tichy, International Center of Photographie, New York, Steild, 2010

1 comment:

  1. Mais la Bête peut se changer en Prince ! Voir absolument la magnifique exposition sur le préraphaélisme, "Une ballade d'amour et de mort" (jusqu'au 29 mai au Musée d'Orsay), pour sublimer les imaginaires !

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