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Disorder in Discipline-



Wednesday 7 March 2012

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Pix : Anonyme

"Ma vie ne me plaisait pas. Les nuits continuaient à être claires et diaphanes, mais moi je commençais à cesser d’être une orpheline et à m’avancer dans un territoire encore plus précaire, où je ne tarderais pas à être une délinquante.
Quel genre de délinquante ? Aucune importance. Je m’en fichais, même si je savais que dans le royaume de la délinquance il y avait beaucoup de degrés et de marches et que, malgré tous les efforts que je ferais, jamais je ne pourrais accéder aux postes les plus élevés.
J’avais peur d’être une pute. Je n’aurais pas aimé être une pute. Je devinais cependant que tout était question d’habitude. Parfois je serrais les poings, pendant que j’étais au salon de coiffure et que je travaillais, et j’essayais d’imaginer mon futur. Voleuse, meurtrière, dealeuse de drogue au détail, contrebandière, escroc. Non, escroc probablement pas, parce que les escrocs ont toujours un maître qui leur montre comment faire, et à moi qui allait me montrer quoique ce soit ? Je n’aurais pas aimé non plu être dealeuse. Je n’aime pas les drogués. Je n’ai rien contre eux, mais avoir affaire à des drogués toute la journée me paraissait insupportable (maintenant non, maintenant je n‘ai plus cette impression, maintenant je crois que ceux qui sont avec les drogués sont des sortes de saints et que les drogués eux-mêmes sont aussi des saints). Au cours de moment de grande exaltation, je me voyais en voleuse ou en meurtrière. Dans le fond, je savais que le plus viable était d’être pute.
Quoi qu’il en soit, durant ces jours-là, je devinais que je m’approchais de manière inexorable du territoire de la délinquance et cette proximité me donnait le vertige, j’étais comme ivre, je dormais mal, je faisais des rêves où rien n’avait de sens, des rêves sans liens où j’avais le courage de faire ce que je voulais, même si ce que je faisais dans les rêves n’était pas vraiment ce que j’aurais fait dans la vie réelle, ce que j’avais envie de faire dans la vie réelle.
Dans le fond, j’ai toujours été quelqu’un de simple. Aujourd’hui, je suis quelqu’un de simple et avant, lorsque les nuits étaient aussi claires que les jours, aussi. Je ne m’en rendais pas compte, mais je l’étais. Je me regardais et la lumière de la glace m’aveuglait. Je ne laissais pas mon âme en paix. (…)
A partir de ce moment-là mon histoire perd encore plus ses contours."

Roberto Bolano, Un petit roman lumpen, Christian Bourgois, 2012, p. 47-49.

2 comments:

  1. D'où vient la photo? Elle est terrible...

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  2. Sur un site consacré à la photographie anonyme chopé sur le net....

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