Friday 15 May 2009
A Drifting Life de Yoshihiro Tatsumi, 2009
Rien posté ici depuis longtemps. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir des livres à lire ou à défendre, mais peut-être qu'aucun ne s'imposait autant que celui-là, dont je n'ai même pas encore terminé la lecture. Mais il me happe déjà complètement : 850 pages et il ne m'en reste plus que 200 : les 650 autres ont été dévorées en 4 jours - c'est dire l'impact de ce livre. Au fait, c'est une bande dessinée. C'est même une bande dessinée japonaise. On dirait un manga. Mais c'est plutôt un Gekiga, c'est-à-dire un manga pour adulte, ou qui traite de thèmes plus adultes. Plus exactement, ce livre est une autobiographie, un mémoire, sur la naissance au japon du Gekiga dont Yoshihiro Tatsumi fait ici le récit, puisqu'il en a été le principal instigateur - on peut voir dans le livre la scène le montrant avec son frère en train de forger le terme, pour en finir avec celui de manga qui ne reflétait pas ce qu'ils avaient en tête, dès la fin des années 50. Au-delà de ce débat, le livre est simplement passionnant : Tatsumi s'y met en scène, revient sur sa vie, sa jeunesse des années 50 et 60 et raconte plusieurs histoires en parallèle : la sienne, celle de son pays (il cite livres, chansons, films marquants pour le Japon de son enfance et donne envie de découvrir tout cela), celle de l'essor d'un système et d'une manière de faire, de publier, de considérer la bande dessinée.
Tatsumi a changé certains noms, s'est lui-même transformé en Katsumi, s'évoque lui-même comme un personnage, à la troisième personne, et crée ainsi une distance avec son double dessiné qui fait que l'on se demande toujours où se situe la frontière entre la mémoire et la fiction et lesquels de ces personnages sont imaginaires ou tout à fait réels. Des questions qui traversent aussi l'oeuvre d'un autre japonais, le romancier Haruki Murakami auquel Tatsumi est souvent comparé : les lire tous deux permet une vision oblique du Japon. Les images et dessins de Tatsumi notamment amènent par leur esthétique, leur trait clair, leur traitement noir et blanc, l'incrustation d'images photocopiées de couvertures ou d'affiches, un sentiment étrange de proximité, de connaissance intime d'un monde proche déjà disparu, comme le ferait un film de Truffaut, par exemple.
Pour le moment, le livre vient de sortir en anglais, chez l'éditeur canadien Drawn & Quarterly. J'ignore s'il sera traduit en français. Plusieurs volumes de Tatsumi sont déjà sortis en France : des recueils d'histoires courtes et souvent noires, dont le plus beau est L'Enfer, paru chez Cornélius en 2008.
Yoshihiro Tatsumi, A Drifting Life, Drawn & Quarterly, 2009.
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