WE ARE MODERN -WE TWEET!





-But if you'd rather watch a movie, you're also welcome at
Disorder in Discipline-



Sunday 13 December 2009

Alexander Trocchi – A Life in Pieces, Rebel Inc. 1997


Depuis quelques temps, il est beaucoup question d’Alexander Trocchi sur ces pages. Junkie, pornographe, situationniste, censuré, Trocchi aurait pu être l’un des héros majeurs des années 1960 – l’égal d’un Ginsberg ou d’un Burroughs, ces vieux types à la plume dégueulasse qui à l’époque fascinèrent les Dylan et McCartney tout en leur ouvrant les portes de la respectabilité « artistique » (celle qui se mesurait dans les librairies et les galeries, pas dans les hit-parades).

Et un héros, Trocchi en fut un pour moi pendant longtemps, parce qu’il était l’unique lien tangible entre la pureté enragée de la première IS (et, plus encore, de ces jeunes lettristes saisis par Ed van Elsken) et le bordel pop des Swinging Sixties. Je ne sais plus si j’ai découvert son nom dans le Lipstick Traces de Greil Marcus (qu’un membre de ce blog avait fait acquérir à la Fondation Nationale des Sciences Politiques dès 1991) ou dans le recueil de l’Internationale Situationniste des éditions Gérard Lebovici (le tract de 1960 Hands Off Alexander Trocchi), mais pour moi, il commença par être l’un de ces mystérieux compagnons de route de Debord, un fantôme marchant aux côtés d’André-Franck Conord, Ivan Chtcheglov ou Ralph Rumney…

Je découvris ensuite son nom aux côtés d’autres noms, qui eux n’étaient jamais cités dans Internationale Situationniste (ou alors pour y être insultés) – Ginsberg, Burroughs, Beckett… Et il y avait ce texte, découvert dans l’IS, Technique du coup du monde, dont le titre anglais semblait résumer à lui tout seul toute la magie du mouvement qui souleva le monde entre 1965 et 1970 : Invisible Insurrection of a Million Minds. Puis j’ai enfin pu lire Cain’s Book. Qui confirma pour moi la place centrale de Trocchi aux confluents de tous les radicalismes de son temps – et l’existence bien réelle de cette chose apparemment impossible : un roman situationniste.

Pourquoi, alors, Trocchi n’a-t-il pas eu le destin d’un Ginsberg, ce fétiche cabotin de trois ou quatre générations d’activistes pop ? C’est ce qu’explique A Life in Pieces, compilation de témoignage et d’extraits des principaux textes de Trocchi réalisée à l’occasion de la production par la BBC d’une émission (pas vue) sur lui, à la fin des années 1990. Si vous cherchez l’équivalent sur Trocchi des livres d’Allia sur Rumney ou JM Mension, ce livre est pour vous. Et il est déprimant : on y voit l’un des plus brillants esprits de son époque, un homme qui partagea la chambre de Peggy Guggenheim à Venise (l’héritière esthète qui fut un temps la belle-mère de Ralph Rumney, mais ceci est une autre histoire), qui fut salué par Mailer et Leonard Cohen (dans l’un de ses premiers recueils de poésie, Flowers for Hitler, 1964) et figura parmi les organisateurs du légendaire Poets of the World / Poets of Our Times au Royal Albert Hall en 1965, qui marqua la jonction entre la Beat Generation et le Swinging London naissant, se perdre dans ses névroses, sa dépendance, son égoïsme de camé prosélyte (Burroughs le présente ainsi, à un moment du livre : « ce bon vieux Alex pouvait trouver une veine à piquer même sur une momie »). Héros de l'underground littéraire du Paris cosmopolite et souterrain de l'après-guerre, on le voit lentement plonger dans le malheur, l'angoisse de la page blanche, et une addiction dévorante pour lui comme pour son entourage - et tous ceux qu'il entraînait dans son culte de la seringue. Et lorsque James Campbell interrogea James Baldwin en 1980 sur l’auteur de Cain’s Book, qui avait totalement disparu de la circulation depuis plus de 10 ans, l’écrivain américain lui répondit, « les narines frémissantes et les yeux exorbités » : « Trocchi ? Le camé ? Je le hais. Je le hais ! Dis-lui ça de ma part ! »

Pendant des années, Trocchi vendit le même livre à tous les éditeurs qui étaient encore disposés à lui filer une avance. Un livre au titre incroyable de simplicité évocatrice, le genre de livre fantasmatique sur lequel on écrit des centaines d’autres livres, sur lequel on bâtira une religion rien que pour oublier qu’il n’existe pas, mais qu’on aurait tant voulu qu’il existât : The Long Book. Les extraits qu’en donne A Life in Pieces dessinent une sorte de suite autobiographique et délirante à Cain’s Book, dans laquelle passent le double de l’auteur (Necchi) et un lettriste historique, Mohammed Dahou, rêvé à Tanger, dans la lentille du télescope d’un espion allemand au service du péril jaune (si vous croyez que j’invente, la référence est à la page 205). On n’en saura pas plus, on n’en aura pas plus. Alexander Trocchi est mort le 15 avril 1984.

2 comments:

  1. et j'ai beau chercher sur le web :::
    rien de chez rien

    Le livre de Caïn est un truc absolument somptueux

    ReplyDelete
  2. à propos, je vous cite par ici >>>

    http://www.facebook.com/pages/sugar-cAne/135226829851021?ref=ts

    ReplyDelete