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Disorder in Discipline-



Wednesday 10 March 2010

Sam Shepard, A mi-chemin, 2002


Lui a eu brièvement son grand moment en France, où au milieu des années 80 il était inévitable entre le scénario palmé d’or de Paris, Texas, son interprétation de beau cowboy fanfaron mais intact aux cotés d’une Kim Basinger pour une fois bonne dans Fool for love un Altman combinant odeurs de crottin et relents de théâtre existentialiste adapté d’une de ses pièces de théâtre, et le volume de nouvelles magnifiques qu’avait publié alors 10/18 : Motel Chronicles/Lune Faucon – un livre que je peux relire en revoyant avec précision la lumière matinale de ces jours d’avril 1987 qui en entouraient la découverte affamée.
Aux Etats-Unis, sa cote est plus constante, il est encore un héros, un peu fatigué comme tous les héros, adulé pour ses pièces (prix Pulitzer en 79, rien moins), ses nouvelles, sa légende (ex de Patti Smith, mari de Jessica Lange, compagnon de route des Stones époque foulards ou du Antonioni Zabriskie). Adulé parce que pour décrire les restes avariés d’un grand American West en passe de disparaître, il n’y pas mieux que Sentimental Shepard, orphelin d’une Amérique de misfits errants sans but défini entre le rodéo, les comptoirs à barfly et l’envie perpétuelle de tout plaquer pour tout recommencer ailleurs. Sa mélancolie tient à peu de choses : là-bas, l’herbe est plus verte et comme tentation on n’a pas trouvé mieux, il va falloir alors une fois encore repartir à la recherche de son propre horizon, inévitablement, ça vous prend aux tripes, quelque chose à vous empêcher de fermer l’œil nuits après nuits, mais l’illusion a la peau moins dure que les doutes et, passé une centaine de kilomètres à rouler sans se retourner dans le désert, les remords, la désillusion reprennent la main. Il n’a jamais raconté que ça : la solitude masculine face à ses décisions, la maladresse malade de l’homme. Open all night.

A mi-chemin est sans doute plus inégal que Motel Chronicles – comme chaque fois que chez Shepard la mythologie le cède un peu au folklore. Mais il n'en est pas moins opérant. Sans doute parce qu’on y entrevoit une fois encore l’immensité du paysage imaginaire américain, l'abime de son horizon. Et on y rencontre les mêmes pages à couper le souffle sur le père (le sien avait l’air de se poser là comme version redneck/fracassée d’Harry Dean Stanton, un parangon de vieux cow-boy gourdineur, désormais cuit finissant ermite dans le désert à ruminer mille gâchis sentimentaux). Le fantôme d’un géniteur volage - et bon qu’à ça : l’abandon chronique- hante toute une bonne partie de ce A mi-chemin, même si son fantôme pourri est planqué cette fois (et on peut le regretter) sous le faux anonymat de la fiction. Mais comme la fiction ici ne trompe personne, on continuera à lire ces brefs textes comme autant de pages d’un journal autobiographique.
Anyhow... Ces jours-ci, un petit peu perdu là sur les routes intérieures nord-américaines, quelque part entre le Canada et l’Amérique, ce livre vaut pour nous comme meilleur compagnon de voyage possible. Ne serait-ce que pour une phrase, une seule phrase qui nous mis à genoux, hier matin même, dans la lumière photogénique d’un bar de Toronto : «La vie, c’est ce qui vous arrive quand vous rêviez de faire autre chose.»
On répète : «La vie, c’est ce qui vous arrive quand vous rêviez de faire autre chose.»
Tout est un peu dit là, non ?


(et un dernier pour la route)
«Cette femme. Quand était-ce, la première fois que je l’ai embrassée ? Et qui je faisais semblant d’être, alors ?"

Sam Shepard, À mi-chemin (Great dream of heaven), traduit par Bernard Cohen, 2002, 10/18.

4 comments:

  1. Sur la photo, je rêve où Sam a oublié d'enlever l'étiquette de ses tiags?

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  2. Que veux-tu karine, les cowboys postmodernes n'arrivent pas tjrs à effacer leur coté "vestiaire" - mais lui, je sais pas, je l'aime bien, c'est un acteur de lui même mais je l'aime bien

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  3. le meilleur livre de ss, pour moi, c'est celui qu'il a écrit sur la ROLLING THUNDER REVIEW, la première tournée non stop de dylan, celle où il se masquait le visage en WHITE MINSTREL, et qui ressemblait à une gigantesque foire/vaudeville, avec invités différents à chaque fois -parmi lesquels sam sheppard, précisément- et à l'occasion de laquelle il tourna son chef d'oeuvre, RENALDO & CLARA ...
    le livre se présente comme une pièce de théâtre (anti-)naturaliste ... ... préférer la version américaine, je crois que le titre c'est THE ROLLING THUNDER LOGBOOK (ou quelque chose comme ça), on trouve ça sur amazon pour pas cher, les photos sont plus belles que dans la v.f ... et les mots sonnent évidemment mieux ...

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  4. La photo de Shepard, je ne le savais pas au moment de la poster, je tombe dessus ce soir par hasard, est de Bernard Plossu. Il faudra un jour que je vous parle du Voyage mexicain

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