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Monday, 21 June 2010

Sanja Ivekovic, Dvostruki Zivot (Double-Life, 1959-1975), 1975














Trouvé celui-ci la semaine dernière à Berlin (ce qui apporte un démenti cinglant à la rumeur voulant que je sois allé là-bas uniquement pour m’enfermer 76 heures dans un club) au rayon photo de la librairie du Musée de la Photographie, mais ce livre relève davantage d’une catégorie autre : le livre d’artiste. C’est le fac-similé, édité en 2001 et limité à 600 exemplaires, d’un livre plus rare encore, imprimé pour la première fois à Zagreb en 1975 pour l’expo Double-Life de Sanja Ivekovic.
Tout dans le projet Double-Life) est orchestré suivant un système de double page. Sur la page de gauche, une publicité découpée dans la presse féminine, vendant tour à tour des crèmes performances pour la peau, des collants élastiques, des chemisiers « indémodables », une couleur pour les cheveux, un soutien-gorge, des serviettes hygiéniques absorbantes, une soupe en sachet, ou une gamme de vernis à ongle. En contre point, sur la page de droite, des photos noir et blanc montrant l’artiste à divers moment de sa vie : seule, ou avec ses fiancés, à l’atelier ou au téléphone. Dans ces photos privées, amateurs, une sorte de faux hasard a voulu que Sanja Ivekovic retrouve inconsciemment les mêmes attitudes que celles proposées, ou plutôt mise à disposition, par les corps des pages publicitaires. Modèles omniscients qui ont imposé un code, des placements de corps, une façon unilatérale de se montrer amoureuse, mélancolique, en vacance ou à l’œuvre. Cette association contre-nature entre la vie intime et l’espace publicitaire est ironiquement sous-titrée Document for autobiography. Comme si ces photos de choses à vendre racontaient déjà nos vies, documentaient nos souvenirs avec autant de vérité (et plus de professionnalisme encore) que les photos de nos albums intimes, en avaient déjà fait la retape. La biographie d’une jeune femme à l’ère de la société de consommation en son miroir. Avec à l'horizon, cette hypothèse néo-situ sans doute old school mais toujours angoissante: si la publicité a déjà vécue nos vies à notre place, nos corps mènent tous donc une double-vie. La vie vécue n'est plus jamais qu'une lointaine et maladroite photocopie de la vie marchande. Notre existence, à laquelle pourtant on croyait un peu, n'a peut-être jamais été que la parodie d'une photo parue dans Marie-Claire ou dans Grazia.













Sanja Ivekovic, Double-Life 1959-1975, Sabine Breitwieser/Générali Foundation, Vienne, 2001

1 comment:

  1. PORNIOCHIO : Cette théorie, façon Guy Deborg, fait froid dans le dos. Si c'était vrai ? Alors, je comprends aisément le suicide de ce philosophe !!!

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