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Et si dans Badlands déjà, Malick opérait une fétichisation des signes que Spacek et Sheen portaient en blason, Christian Patterson (39 ans) ramasse quarante ans plus tard les reliques de son obsession. Tous les objets sont là, mais en pièces détachées : une carte du Nebraska, une balle de 22 long rifles, des photos de pin-up punaisées au mur, trois pièges à souris, deux ampoules brisées, un matelas souillé, du papier peint fleuri et des taches vertes d’antigel sur la neige. Les éclats fuschias du soleil parmi les épis de blé. Trois fermes brûlées et des « surrender clouds » (des cumulus de capitulation ?) couleur lit de vin. La vitre d’un dinner sur laquelle on a écrit No gun No fighting No food or drinks No alcohol No tabbaco No smoking. Une bande de papier tue-mouches et un manteau de fourrure jaunie, attrape mites. Et puis la paire de santiags bleues et blanches que portaient Charlie, les mêmes que celles que portaient Kit dans le film. Tout ça formant au fur et à mesure les salles d’un musée redneck, et son inévitable ode aux petites villes : «So i like to live in a little town/i care no more to roam./For every house in a little town/is more than a house, it’s home. »
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Tout ça a l’air arbitraire, mais non : une sorte d’assurance dans les enchaînements indique immédiatement que Patterson sait où il va, et que rien du livre n’a été ordonné au hasard.
Le sens n’apparaîtra qu’à la fin, quand une série d’actions (onze meurtres !) viendra s’écrire dessus. Ce livre roule en marche arrière.
Il faut bien traverser cent pages dans Redhead Peckerwood avant de croiser un premier visage humain. Celui d’une gamine qui, sur un vieux photomaton d’archive, fait la grimace. Caril Ann Fugate avait quatorze ans quand son fiancé Charlie a tué son père parce qu’il refusait qu’elle sorte avec lui. La vraie Caril Ann avait, c’est possible, plus de chien que Sissy Spaceck, une morgue plus cinquante, plus de poitrine, les cheveux en coque, une moue. Et un regard définitivement évadé. Dans la photo d’elle que reproduit le livre, elle est emmenée à son procès, elle est belle comme Peggy Sue allant au bal. Page de droite, une dépêche de presse d’époque la condamne à la prison à vie. Il suffit, à la page suivante, de voir la photo de la nuque de Charlie pour comprendre que pour lui ce sera la chaise. Il n’avait pas 21 ans. Une dernière photo montre une bande de mecs, bien dans l’époque, qui avancent dans la nuit : «Let’s all go out and get a steack».
Pour ainsi dire, le grand livre américain (de photos, mais pas seulement) de l’année.
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PS: Histoire d’enfoncer le clou, Christian Patterson a demandé un texte (merveilleuse maquetté dans un tiré à part ronéotypé) à Luc Sante ; Ici, on tient Luc Sante pour un génie. Il y a des livres comme ça qui semble avoir été fait spécifiquement pour vous…
«To go on the run is to chase the dragon of that vaguely envisioned other life, in full knowledge of the futility of the effort and the inevitability of the end. Since the formula stirs together three of the most combustible elements in american life – sex, speed and ballistics – you simply have to accept that you will explode along the way. »
Luc Sante
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Christian Patterson, Redhead Peckerwood, MACK, London, novembre 2011
Je m'aperçois que Crocnique (aka Arturo B quand il poste ici) vient de faire lui aussi un Redhead post ce soir sur son blog. Les grands esprits se rencontrent (mais bien sur), mais ne s'entendent pas (il est déçu par le livre): http://crocnique.wordpress.com/2012/01/09/christian-patterson-redheaded-peckerwood/
ReplyDeleteça ne m'a même pas donné envie de revoir Badlands !
ReplyDelete... et j'ai préféré le second texte, celui de la nana du musée de Chicago ! (je déconne !)
ReplyDeleteAh ah... Ta mauvaise foi t'honore...
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ReplyDeleteMe voilà rassuré :
ReplyDeletehttp://colinpantall.blogspot.com/2012/01/introspective-navel-gazing-nitpickers.html