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Wednesday, 26 September 2012

Quote : Jean-Pierre Martinet, La grande vie

La rue Froideveaux était laide comme une salle d'attente de deuxième classe perdue dans quelque banlieue où les trains sont si rares que l'on vient là pour dormir, juste pour dormir, au milieu des papiers gras et des restes de sandwichs au jambon, et des cannettes de bière si misérables, si solitaires dans l'urine, les confetti, les scintillants et le vomi, et la tristesse des chiens qui guettent la mort sur les murs salis par tant de doigts crasseux. Dans cette rue, on avait toujours la sensation d'un froid glacial, même au mois d'août. Les passants avaient des allures de chrysanthèmes tardifs, et novembre s'éternisait. Le lierre s'agrippait désespérément aux murs du cimetière, mais au fond, on sentait bien qu'il n'y croyait pas, et qu'il avait été placé là par les soins d'un décorateur neurasthénique. En été, les tombes reverdissaient, et le mur avançait, imperceptiblement. J'entendais parfois des craquements, la nuit, et cela me donnait d'épouvantables crises d'angoisse. Pauvre imitation de la vie. Comme on se sentait seul dans ce désert. Rue froide. Avec tout ce que cela évoquait : chambre froide, morgue, jeunes filles à moitié pourries, mauves et vertes et blanches, veaux assassinés à coups de merlin, au petit matin, sous une pluie fine. Comment peut-on porter un nom aussi horrible ? Froideveaux !
(pages 23 et 24)


Jean-Pierre Martinet, La grande vie, L'arbre vengeur, 2007

1 comment:

  1. Perso, j'ai eu du mal avec la lecture de Martinet et toute cette symphonie du grincement.
    Au bout d'un moment et malgré le style, j'ai fini par trouver le livre glauque et peint essentiellement avec les mêmes couleurs (du gris d'huître au jaune Van Gogh).
    Et c'est comme s'il manquait une distance entre l'auteur et son livre.

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