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Monday, 1 November 2010

Jacques Monory, Diamondback, 1979

Artiste-dandy, auteur d'une peinture fondamentale, voire cathartique, Jacques Monory est l'une des figures tutélaires de la Figuration narrative. Il a couvert le siècle en journaliste glacé et distant faisant rentrer dans sa peinture l'information, la photographie, l'imagerie et le cinéma. Surtout le cinéma. Qu'il a pratiqué en amateur, de la même façon qu'il a écrit une poignée de romans noirs postmodernes : Diamondback (1979), Eldorado (1991), Angèle(2005)...
Sa peinture trouve son prolongement dans ses livres faits de ruptures, de maximes rapides dont la trame est largement autobiographique... L'intrigue tient du polar, du roman noir : « J'aime les romans noirs, bien glacés. Transporter ma vie dans un pareil tourisme sanglant m'en débarrasse à mesure, et mon plaisir prend des formes inattendues. »
Diamondback dépeint dans des tonalités sombres et distantes l'histoire d'un tueur à gages – Monory? Son double allégorique? - au bord de la fêlure évoluant dans une permanente pénombre.
Roman noir théorique, au rythme saccadé semblable à celui de certains films hollywoodiens des années 1950 – White Heat de Raoul Walsh, et surtout Gun Crazy de Joseph H. Lewis (film fétiche auquel Monory n'aura de cesse de faire référence à travers une oeuvre fantasmée), tout l'univers monorien y est campé : sa fascination pour les revolvers, le tir comme oeuvre d'art ultime (il pratique en amateur régulier dans un club à Versailles), les coups de balles, les meurtres, les vies brisées, l'amour fou, la vitesse, une atmosphère électrique, décalée et envoûtante... en proie au vertige... Une vie menée à bout de souffle : Vite! C'était le cri d'armes des surréalistes, ce sera aussi chez lui un clin d'oeil au film de cet autre dandy, autre peintre, Daniel Pommereulle, son ami intime avec lequel il co-signera un livre-expérimental à l'énigmatique titre : Rien ne bouge assez vite au bord de la mort (1969).
Le roman monorien éveille une inquiétante étrangeté aux contours iconiques où les mots servent la transposition fictionnelle, et où le récit établie un lien métonymique avec la peinture.
S'improvisant philosophe, il s'interroge sur l'état mental du monde, la question du sens, la mort... pour au final s'écrier : « A quoi bon? ».
Oui, c'est vrai... après tout : A quoi bon?



« Il se sentait fragile. Il aurait bien aimé avoir ce petit produit chimique tant rêvé, pour cerveaux paresseux, ouvrant les autres programmations de ce putain d'organe. Fatigué des gymnastiques et diététiques variées pour prolongation sénile, il ne pourrait pas toujours passer au travers des tirs.(...)
Pour lui, c'était toujours bancal. Dérapage dans l'incertain. Il avait pensé parfois qu'il n'aurait qu'à rassembler les visions dispersées, à relever et totaliser en images sa vie pour entrer lui-même dans le monde des images et devenir immortel. Le monde aurait été comme un roman policier ; la douleur absente, agencement merveilleux, il aurait nagé passionnément dans l'abstraction, les meurtres conceptuels, le courage sans traumatismes, les femmes objets nickelés et un peu mortels, une froide morale. Mais le roman était dans un anglais qu'il connaissait mal, chaque mot vague, souvent incompréhensible, où tout n'était que chasse et capture. »


Pix : Jacques Monory, USA 76, Fusil.
Jacques Monory, Diamondback, Christian Bourgois, 1979.

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