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Thursday, 30 December 2010

William Eggleston, Horses and Dogs, 1994

William Eggleston est un chien. Quand on lui pose des questions sur son art, en bon southerner il répond qu’il prend moins de photographies que la moyenne des humains sur cette terre. Il rôde en ville, aperçoit un truc qui lui plait, le prend. Une photo seulement. Jamais deux. La capture unique. Pas de planche contact pour Eggleston - qui va jusqu'à prétendre que la majorité de ses photos ont été exposées (mais peu de gens savent que la première personne à l’avoir exposé, à Memphis,était la mère d’Alex Chilton. Ce qui explique en partie pourquoi Eggleston a fait certaines des pochettes de Big Star et se retrouve à jouer du piano sur la cover de Nature boy sur Third/Sister lovers). Il dit pouvoir laisser passer des mois sans ressentir le besoin de faire une photo. Son caractère réputé orageux aurait épuisé des hordes d’assistants (dont un, Tav Falco, préfèrera finir par faire du rock). Lui, voudrait nous faire croire qu’il s’en fout, de ça comme du reste. Fumier.
Horses & Dogs est un livre de 1994, devenu assez rare, publié dans cette incroyable collection qu’était A Smithonian series (des livres flexibles, vendus le prix d’une bouteille de vodka, mais à l’intérieur ce sont des tirages d’une qualité insolente). Eggleston a volontairement choisi pour eux le sujet d'étude le plus nul qui soit : des chiens et des chevaux. Qui voudrait acheter un livre avec des photos de chiens ? Toute l’arrogance d’Eggleston est résumée là, car vous ouvrez le livre et ce n’est que démonstration d’une supériorité totale sur tout : l’espace, le sujet, la composition, la lumière (visiblement, ce type a des yeux qui ne sont pas équalisés de la même manière que nous autres, il possède la balance chromatique la plus aigu qui soit).
Il n’a pas besoin de se cacher derrière un paravent de cynisme comme Martin Parr. L’humanisme lui semble assez étranger. Il est une sorte d’animal du détachement. L’espace s’offre à lui, et il n’a jamais douté une seconde qu’il n’avait qu’à se servir. Tout n’est qu’une histoire de concentration.

Quand on lui demande, comme chez Michel Drucker, pourquoi les chiens, il répond juste « They seem to be everywhere ». Gary Winnogrand lui a un jour confié qu’on pouvait faire une bonne photo sur n’importe quoi. En l’occurrence, lorsqu’il prend en photo des chiens, des chevaux, ce «n’importe quoi» fait tout de même ressortir ce qu’il reste de sauvage dans un monde qui voudrait tout domestiquer. Les chevaux d’Eggleston, dans leur enclos, ont l’air ailleurs. Ils rêvent d’Apalaches. Ses chiens se répartissent en deux races : ceux qui errent, prêts à mordre. Et ceux qui font semblant d’être chez eux en ce jardin. Qui sait à quoi ils songent vraiment, à quelle dernière vengeance ?
Physiquement, William Eggleston ressemble beaucoup à William Burroughs. Même élégance cassante. Même voix nasillarde. Le même orgueil de gentlemen farmers devenus, par la force des choses, des parasites sociaux, avec ce que cela suppose de dédain assumé - celui des derniers de la race profitant d’une époque sans héroïsme. L’interviewant une fois (et c’est une drôle de paire de manches que d’interviewer Eggleston : vous parlez, vous meublez, et lui daigne de temps à autre, décrocher une phrase. Si possible assassine), il en était venu à parler de Bob Dylan, avec qui il a un temps traîné. Enfin... parler... il a seulement balancé, comme si il s'agissait d’un simple pote de défonce, «Bob is ok. » Ah? c’est tout?… Bob is ok… William Eggleston est juste un putain d’enfoiré.

William Eggleston, Horses and Dogs, Smithsonian Institution Press, Washington, 1994.

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