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Disorder in Discipline-



Sunday, 19 April 2009

J.G. Ballard RIP (Shanghai 1930-Londres 2009)



Ce soir, Discipline in Disorder est triste : J.G. Ballard est mort dans l'après-midi. Post-moderne, malsain, visionnaire, chirurgical et érotique, il était avec Burroughs, DeLillo, Schuhl et Adrien l'un des seuls à avoir trouvé une langue qui dise le goût métallique et amer de la seconde moitié du XXème siècle. Son style avait la puissance, le raffinement sadique et le calme des dépêches Reuters. Les Marinas de toutes les plages de sable vermillon du monde se sentent bien seules, maintenant. Les rings autoroutiers sont un peu plus vides, tout à coup. Plus d'accidents, plus de désastre. Alors ce soir, relisez Crash, reprenez n’importe quel passage de The Atrocity Exhibition, de Vermillon Sands, d’IGH ou de Concrete Island, autant de textes écrits au scalpel.
Puis remettez un disque tout en ouvrant l’anthologique numéro de Re:Search, où il était enfin admis que ses romans de science fiction froide et étrange comme le sont les tables de vivisection étaient précurseurs de tout ce qui, de Joy Division à TG, du "Warm Leatherette" de The Normal au "Flying Turns" de Crash Course in science, allait devenir l’esthétique Indus/New-Wave, Novö.
Et pendant que votre magnetoscope machine avale le dvd glacial du Crash version Cronenberg, partez si vous en avez encore la force à la recherche du désormais introuvable numéro 1 de l’éphémère revue Science Fiction, sorti à Paris en janvier 1984 et mise en page par le grand Roman Cieslewicz; Il lui était quasi intégralement consacré. Ou sinon, lisez les paragraphes qui suivent: ils en sont extraits. Lisez-les car ils sont devenus rares. Lisez-les car on trouvait dans Science Fiction des choses nécessaires, comme ce beau texte de Baudrillard sur Crash, repris entre-temps dans Simulacres et simulation : « Crash: La vision explosive d’un corps confondu avec la technologie dans sa dimension de viol et de violence, dans la chirurgie sauvage et continuelle qu’elle exerce ; incisions, excisions, scarifications, béances du corps, dont la plaie et la jouissance « sexuelles » ne sont qu’un cas particulier sous le signe étincelant d’une sexualité sans référentiel et sans limite. Plus de dysfonction possible dans un univers de l'accident. - donc, plus de perversion non plus.»
C’était suivi d’un long poème épique, à la limite de la prière et du détachement, intitulé What I Believe, que Gentleman Jim avait écrit en 1983 pour Science Fiction, et jamais jusqu’à ce jour repris en volume. Ne pleurez pas, n'intentez rien: Discipline in Disorder vous en offre, en guise de dernier hommage, quelques passages (traduits par Jean Bonnefoy) parmi les plus beaux et les plus givrés...:

«Je crois à mes obsessions personnelles, à la beauté, à l’accident de voiture, à la paix de la forêt engloutie, à l’émoi des plages estivales désertes, à l’élégance des cimetières de voitures, au mystère des parkings à étages, à la poésie des hôtels abandonnés.

"Je crois à la beauté de toutes les femmes, à la traîtrise de leurs imaginations, si proche de mon cœur ; à la jonction de leurs corps désenchantés avec les tubes de chrome enchantés des comptoirs de supermarché ; avec les ombres vacillantes de mon propre ennui ; à leur tiède tolérance pour mes perversions.

"Je crois à la mort pour demain, à l ‘épuisement du temps, à la quête d’un temps nouveau que nous guettons dans le sourire des serveuses d’autoroute, dans le reflet mourrant des écrans de T.V. qu’on éteint, dans les yeux las des aiguilleurs du ciel au milieu d’aéroports hors saison.

«Je crois aux femmes adolescentes, à leur corruption par les poses mêmes de leur jambe, à la pureté de leur corps débraillé, aux traces inquiétantes laissées par leurs parties génitales dans les salles de bain de motels miteux ouverts pour les liaisons de Margaret Tatcher et de son jeune amant argentin.

«Je crois à la douceur du bistouri, à la géométrie sans limite de l’écran de cinéma, à l’univers caché dans les supermarchés, à la solitude du soleil, à la volubilité des planètes, à nos redites perpétuelles, à l’inexistence de l’univers et l’ennui de l’atome.

«Je crois à la lueur timide jetée par les magnétoscopes dans les vitrines des grands magasins, aux intuitions messianiques des calandres d’automobiles dans les halls d’exposition, à l’élégance des taches d’huile sur les nacelles de réacteurs de 747 parqués sur les pistes d’aéroport.

«Je crois aux odeurs corporelles de la princesse Di.»

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