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Sunday, 17 February 2013

BIFUR, 1929-1931


Un dimanche après-midi pas comme les autres : commencé dans les salons du Bristol, à boire des jus de pamplemousse avec Harmony Korine, et l’entendre se réjouir que lui comme moi soyons encore vivants, dix ans après une après-midi, humm, homérique, dans la cour ensoleillée de la galerie Agnès B.
Une fois cela entendu, filer en quatrième vitesse voir ce qu’il reste de la braderie Mona Lisait, et toucher pour une somme ridicule le rarissime fac-similé en deux volumes de la revue BIFUR que Jean-Michel Place avait réédité en 1976.
BIFUR ? BIFUR fut le plus exacte des revues d’avant garde de la France de la fin des années 20. En une poignée de numéros parfaits, elle a eu le temps de croiser la poésie avec la « nouvelle photographie », la philosophie avec la littérature, la politique et le cinéma.
Ce qui veut dire en 1929, parier sur Heidegger, promouvoir Varèse, demander à Eisenstein qu’il explique ce qu’est le montage cinéma, laisser Henry Michaux s’amuser en écrivant une pièce de théâtre en un acte, aller interviewer à L.A. Buster keaton parce que son non-rire est un cataclysme (et que dit Keaton : qu’il aime beaucoup Marx – pas impossible que l’entretien soit un fake), passer une image de Joris Yvens (ainsi est orthographié le flying dutchman), demander à Alejo Carpentier d’écrire depuis les Antilles et à André Delons de décrire l’Homme désert aux portes de Constantinople…
Et demander à tous les russes qui comptent ce que devient l’homme nouveau de l’autre coté de la Volga.
Mais aussi pourquoi pas traduire quelques pages de cet allemand, Alfred Döblin, qui vient de faire un bouquin énorme sur la Alexanderplatz à Berlin qui n’a pas encore trouvé éditeur à Paris. Klossowski, s’il est bien luné pourrait introduire sur Kafka ou sur la folie chez Hölderlin, non? Hey, Il paraît que la nièce de Michaux, la petite Claude Cahun au crâne rasé, fait des photos…
In extrémis, dans son dernier numéro, BIFUR passera même le premier texte d’un jeune prof de philosophie du Havre de 26 ans, Jean-Paul Sartre. Peu avant, ils avaient invité l’ambitieux Malraux à passer un fragment inédit de son premier roman, les Conquérants, et à Paul Nizan, qui n’a pas encore écrit Eden Arabie, de philosopher comme on peut le faire à 24 ans.
BIFUR avait le nez, BIFUR allait plus vite que tout le monde, BIFUR bifurquait.
BIFUR avait, il faut le dire, une rédaction à se pâmer, avec pour rédacteur en chef Georges Ribemont Dessaignes (dada de la première heure qui venait, en 29, de quitter le giron surréaliste après sa brouille avec Breton), et pour « conseillers étrangers" les jeunes et prometteurs James Joyce, William Carlos William ou Ramon Gomez de la Serna.
Ce rêve de revue a duré huit numéros, de 1929 à 1931.

De la même façon que l’avenir dure longtemps, l’avant-garde quand elle a ce goût là se paye d’éternité.

BIFUR, n*1-8, 1929-1931, deux volumes, Jean-Michel Place, Paris, 1976

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