«Vendredi 25 mars 1921, 5 heures.
Que m’avez-vous donné ?
Votre soif, votre douceur, vos idées…
Vous avez bien voulu respirer quelques roses avec moi. Mais, mon chéri, je ne suis pas une dilettante. Je ne sais pas ne pas aller au bout de tout. Et les roses, dans une tête pareille, conduisent certainement à d’autres aventures, que leurs parfums.
Je pouvais avoir tort en vous demandant de changer un peu votre vie. Mais peut-être que je changeais assez de choses dans la mienne, Lionardo, pour avoir le droit de demander.
Aux heures les plus misérables que j’ai connues – moi que tant d’heures n’ont pas encore tuée – le mois passé, vous dîniez chez la princesse Soutzo, en grand tralala. Elle acceptait très bien que vous soyez un numéro cinq à son quadrige. Vous le savez et je le sais !
Vous m’écriviez quotidiennement. Mais la tendresse ou l’anxiété de vos lettres n’empêchait pas ces plaisantes agapes, que vous me cachiez avec soin.
Je suis revenue : faut-il recommencer la pauvre lutte, entre mon amour et votre « facilité » ? Non, non, Desum. Restez moi la compagnie bien aimée. N’éveillez pas, n’appelez-pas, en me prenant l’âme entière, qui n’aime pas mentir, ni qu’on lui mente, qui ne comprend pas que son amour se prête aux moins estimables amitiés, l’âme qui trouve naturel de gâcher une vie pour votre joie, mais demanderait que vous renonciez à quelques moments les moins beaux, en échange…
Et puis, que de papier noirci. »
Catherine Pozzi, Journal 1913-1934, édition Claire Paulhan, 1997, réédition poche Phébus/Libreto, 2005
Monday 28 February 2011
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