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Wednesday, 4 March 2009

Emmanuel Bove, La Coalition, 1927

Je ne sais pas si c’est le meilleur roman d’Emmanuel Bove, je n’ai pas tout lu, et lui préfère peut-être Le Piège, mais La Coalition ne vous lâche pas ou, plus précisément, on aimerait pouvoir l’oublier. Son thème en est simple : la déchéance d’une mère et de son fils qui errent dans Paris et se noient progressivement dans la misère. Les branches auxquelles ils tentent de s’accrocher cèdent l’une après l’autre. Leur dérive est une lente agonie, à la fin inéluctable, décrite avec une minutie chirurgicale (sadique ?) par Bove, bourreau au style sans affects, donc sans pitié, ni pour ses personnages, ni pour ses lecteurs. Ce livre est une épreuve, Bove nous jetant au visage ce que l’on se cache si facilement : notre indifférence face à la souffrance des autres, notre vanité à penser que l’on peut un jour tout abandonner (Perec a lui aussi bien tordu le cou à ce désir adolescent avec Un homme qui dort). On pense ici à La Faim de Knut Hamsun ou au Signe du Lion de Rohmer. À une nuance près : dans ces deux œuvres sur la chute, il y a une lueur au bout du tunnel. Chez Bove, la lueur, c’est un train qui vous fonce droit dessus. Au fond du trou, il y a la peur, la folie et la mort. Rien d’autre.
Paul Léautaud : « La Coalition par Emmanuel Bove. (…) Un vrai cauchemar ! J’en étais tout aplati. On n’a pas idée d’écrire de pareils livres. (…) On se voit soit même dans une déchéance de ce genre. Ce sont des livres qu’il vaut mieux ne pas lire »
J’ai lu La Coalition il y a des années et je sais aujourd’hui que je ne le relirai sans doute jamais. Pas besoin, il est là.


« Lorsqu’il eut refermé la porte de la chambre, il resta un instant indécis. Mme Aftalon dormait. Il apercevait, à la lueur de l’aube, les meubles misérables, les objets qui traînaient à terre. Finalement, il s’allongea tout habillé. Ses tempes bourdonnaient. Il entendait des bruits extraordinaires, des cloches, des trains, des sirènes. Il ne pouvait s’endormir. De temps en temps des sursauts faisaient qu’il se dressait, les yeux hagards, sur son lit. Soudain il crut entendre un cri déchirant. Il se leva d’un bond. « Maman, c’est toi qui a crié ? » Personne ne répondit. »

Emmanuel Bove, Romans, Flammarion 1988

2 comments:

  1. 'the light, at the end of the tunnel, is a train' : bonne image. où l'ai-je vue aussi, bon dieu ? ah, sur l'album de the whitey.

    mbk écrit très bien sur la chute aussi, que ce soit '1993' ou 'vies & morts d'irène lepic'

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  2. Cette Coalition semble encore plus sans pitié que Le Pressentiment... Je compte bientôt attaquer ce livre mais pas avant d'avoir terminé son Journal écrit en hiver. Roman de saison.
    Bien à vous.

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