(Chronique m'ayant ete envoyee par F.B.)
Essai, divagations, pensées… comment qualifier cet ouvrage. Nous en croisons de tels tous les jours sans le savoir. Ils nous croisent dans la rue, et nous ignorent tout autant que nous les ignorons. Ils guettent, tapis dans l’ombre des circonvolutions cérébrales, attendant un hypothétique moment favorable, un Kairos incertain. Visiblement, Jérémie A. n’aime ni ceux qui savent et le font savoir, ni ceux qui cherchent la lumière en pensant la trouver dans l’obscur. Il croit que tout est là sous nos yeux, à condition de les laisser ouverts, au delà des mots, opaques paupières nécessaires. Partisan d’une superficie sensible qui se plisse et se ride au moindre des mouvements qui la contraignent. Il y a dans sa vision des choses quelque chose d’organique, d’inscrit dans l’expérience du corps, dans son anatomie même. Ainsi cette idée que nous ne connaîtrions le monde qu’à travers la mort qui nous le rend supportable, la mort qui enveloppe notre peau de cette minuscule couche cornée que nous oublions et qui amortit le contact avec l’extérieur. C’est un drôle de partisan de l’extrême que nous rencontrons au fil des pages. L’extrême Centre. Pas un centre de moyenne, mais un centre qui retrouve l’étymologie d’une médiocrité revendiquée : le juste équilibre, qui n’est pas au milieu de deux pires, mais une autre voie interdisant les deux autres. Embarqués dans le même monde, vers un avenir commun, il n’est plus possible de rêver passer par dessus bord les passagers indésirables qui dans un univers devenu bouteille de Klein, fait retomber ces intrus dans le bateau même alors qu’on les pensait à la mer. La pensée écologique, la pensée de ce qui relie, est sans doute le fil invisible qui relie des chapitres aussi divers et désappareillés que « de l’importance du vide pour le mouvement », ou « pourquoi les hommes se battent-ils pour construire ce qu’ils ont déjà : leur autonomie ? » en passant par « l’invention du mérite comme justification du crime »…. Un extrait, au tout début de l’ouvrage :
« L’homme le plus profond ne pourra guère aller bien loin. Songeons qu’un mètre de profondeur, ça représente un tour de taille de 3,14116 m, ce qui suppose un individu qui, loin d’avoir des pensées profondes, devrait plutôt se préoccuper de son poids et de sa santé. Ce n’est donc pas en soi-même que l’on pourra trouver du profond. Quant à l’extérieur… Nous ne sommes pas fait pour supporter les tonnes de pression des grandes profondeurs marines, pas plus que pour survivre à l’anorexie des 80000 mètres d’altitude. Les explorateurs de ces extrêmes ont besoin de courage – et de prothèses adaptées à leurs ambitions – certainement pas de profondeur. Nous sommes faits pour penser à peine plus haut que les pâquerettes. Ce qui n’empêche absolument pas de songer aux mystères des abysses, ni de contempler rêveusement les sommets enneigés. Ce qui entraîne une nostalgie pascalienne emprunte de modestie… et des chances de nous rendre plus humains, plus proches les uns des autres, plutôt que profondément supérieurs… Il y a déjà bien à faire à la surface du monde pour ne pas le perforer de partout, le creuser avec un acharnement qui ne creuse que la tombe dans laquelle nous nous retrouverons au bout du compte. Caressons le monde, arrêtons de le défoncer bestialement !... »
lisez-le dès que je l’aurai écrit…
Jeremie Atlab, L'Homme Sans Profondeur-Eloge, Editions de l'Absence.
je n'ai aucune envie d'arrêter de le défoncer perso
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