Co-ed, Russian Criminal Tattoo Encyclopedia, vol 1-3, Fuel, 2003-2009.
Pendant 33 ans, après guerre, Danzig Baldaev a travaillé pour le ministère de l’intérieur de l’URSS afin de collecter des informations sur le folklore et les usages du monde criminel dans les prisons du pays. Dans ce monde-là, le tatouage est un langage. Répertoriés par ce véritable « technicien de surface », les tatouages des prisonniers furent redessinés par ses soins afin d’en décrypter signes et symboles. Une plongée radicale dans l’univers carcéral russe, l’un des plus violents, raciste et mystique qui soit.
Slavoj Zizek, Violence, Profile Books, 2008
Pas encore trop attaque en France pour son cote "Elvis des Culture Studies, poseur lacanien, touche-a tout a fond de rien" etc... Zizek peut-etre un vrai penseur, et surtout, comme ici, un vrai "passeur". Voila un quasi-manuel qui, le doigt sur notre apathie, refuse la victoire du "materialisme democratique" et recadre les modalites de la lutte (en particulier feroce contre la gauche bobo)... Un "petit livre rouge" generationnel quoi... Curieusement non traduit au pays de Badiou. On y reviendra en detail bientot puisque vient de sortir ici In Defence of Lost Causes , sa suite logique.
Pierre Guyotat, Coma, Mercure de France, 2006
Écrivain interdit à la fin des années 60,inventeur castré-maudit d’une langue orale folle, Guyotat s’est perdu quelque part entre 1981 et 1982 dans la foret de la folie, quelques mois à rêver d’un Livre absolu, texte inachevé qui épuisera ses forces, l’avalera, le déportera hors de la société – ironiquement, au même moment, ses textes connaissaient enfin la reconnaissance, Mitterrand, fan jusqu’à l’os, l’invitait même à sa première Garden Party, sans que Guyotat le sache, lui qui vivait alors dans un camping car, se lavait aux fontaines des villages sous les rires et les pierres que lui lancaient les gosses. Coma est ce récit d’un long long sommeil par celui qui est le dernier écrivain en France à obtenir de la langue des choses qu’elle ne veut plus livrer à personne. On a rarement lu quoi que ce soit d’aussi beau.
Joan Didion, L'Annee de La Pensee Magique, Grasset, 2007.
L’année de la pensée magique est le livre du deuil, celui de Joan Didion (la Duras américaine telle que la définit Philippe Garnier) face à la mort de son mari l’écrivain John Gregory Dunne. Comment affronter la mort des autres, sa menace (la fille de Joan Didion est dans le coma quand elle écrit ce livre) sans s’effondrer soi-même? Aucun pathos ici, Joan Didion tente de rester en vie en écrivant, en disséquant l’expérience de la douleur pour ne pas s’y perdre totalement. L’année de la pensée magique est une histoire sans fin. Notre histoire.
Arthur Danto , La Madone du futur, Seuil, 2003.
Critique influent aux Etats-Unis, Arthur Danto est une personnalité contemporaine majeure de la philosophie de l’art. Après une formation à la pensée analytique, la découverte des œuvres d'Andy Warhol, dans les années 60, l’a amené à se tourner vers une esthétique postmoderne. La madone du futur, qui rassemble une série d’essais consacrés à l’art contemporain parus à partir de 1993 dans The Nation, témoigne des théories savantes du philosophe. Contre le discours esthétique, l’interprétation historique et philosophique décide désormais du statut artistique des objets les plus banals, en opérant ce que Danto qualifie de « transfiguration » du présent.
Co-ed, Le Troisieme Oeil-La Photographie et l'Occulte, Gallimard, 2004.
Co-ed, Le Troisieme Œil-La Photographie et l'Occulte, Gallimard, 2004. Voilà un livre qui vous hantera. Littéralement. Catalogue de l’exposition du même nom, Le Troisième Œil est une plongée dans les collections de photographies les plus incroyables du monde ; un voyage étrange où l’on croise, des premières années de la photographie à l’âge du Polaroïd, une flopée de charlatans, de célébrités mondaines, de scientifiques plus ou moins naïfs, et de gens vraiment bizarres. Tous réunis autour de ce thème qui sonne comme le titre d’un article tiré d’un vieux numéro de Planète : la photographie et l’occulte. On y découvre donc au fil des pages : les différentes formes de la photographie spirite, la thoughtography (ou photographie de la pensée), des barbus qui lévitent, des clichés d’ectoplasmes (ce qui permet d’apprendre que les ectoplasmes sont des matérialisations solides en forme de boules de laine ou de toiles d’araignées sortant de la bouche, du nombril ou de l’entrejambes de médiums en transe…). A lire, c’est un épisode inédit de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires (on y croise à plusieurs reprises Conan Doyle, notamment en défenseur de l’existence des fées, et une société savante anglaise au nom fascinant, la Society for Psychical Research) ; à voir, c’est tantôt risible (lorsque les supercheries sont trop évidentes), tantôt troublant. Car, alors que l’occulte des occultistes est en général chiant, Le Troisième Œil adopte une attitude d’agnosticisme (ni sceptique, ni croyant) qui laisse le lecteur libre de ses interprétations sur certaines des images les plus spectaculaires de l’ouvrage, et qui ne les rend que plus poétiques (sur l’air du « et si c’était vrai… »). Typiquement le genre de livre à laisser dans sa bibliothèque jusqu'à sa mort, histoire que vos arrières-petits-enfants soient ravis de le découvrir dans le bazar de la succession..
Alex ross, The Rest is Noise, Fourth Estate, 2008.
Il me semblerait presque que les anglais apprecient la vulgarisation a sa juste valeur quand chez nous, on s'y force. Les snobs rechignent, les specialistes s'isolent, les "passeurs" se font rares (Qui ? on accordera au moins ca a Onfray, peut-etre a Obalk, sinon on glisse vite vers les freres bogdanoff ou , au mieux, Taddei). Les leurs sont nombreux, sympathiques et chic (De Attenborough a Fry). Comme l'est surement Alex Ross d'ailleurs. Son Projet est transversal: une Histoire de la musique classique au XXe siecle. Constat de depart : Au XXe siecle, l'art se diffuse. Dans tout les sens. La peinture contemporaine touche le grand public, la culture populaire devient un sujet d'etude legitime, le cinema independant rentre au box-office etc etc...
Pourtant, Malgre son influence sur toute la musique populaire (explicitee sans jargon technique), la musique classique contemporaine reste un sujet un peu tabou, hors "guides" d'achat de CDs. Cela tombe sous le sens quand on lit le livre (mais personne ne l'avait decrit), c'est dans son rapport a la societe que cette histoire est la plus interessante. Ross s'en sort bien, meme si l'ampleur du sujet force parfois a l'apercu rapide. Critique ou compliment: le bon bouquin au bon moment (plus que le bon bouquin tout court). On verra si Ross a ouvert une porte... En cours de traduction, a sortir cette annee chez Actes-Sud (et pas Allia).
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