"... a well- known tragic figure from the Cold Car era : those western leftists who heroically defied anti-communist hysteria in their own countries with utmost sincerity. They were even reday to go to prison for their Communist convictions and their defense of the Soviet Union. Is it not the very illusory nature of their belief that makes their subjective stance so tragically sublime ? The miserable reality of the Stalinist Soviet Union renders the fragile beauty of their inner-conviction all the more majestic. This leads us to a radical and unexpected conclusion : It is not enough to say that we are delaing here with a tragically misplaced ethical conviction, with a blind trust that avoid confronting the miserable, terrifying reality of its ethical point of reference. What if, on the contrary, such a blindness, such a violent gesture of refusing-to-see, such a disavowal-of-reality, such a fetishistic attitude of "I know very well that things are horrible in the USSR but I nonetheless believe in Soviet Socialism" is the innermost constituent part of every ethical stance ?"
in Slavoj Zizek, In Defense of Lost causes, Verso, 2009.
Hello, il y a la même idée dans le "Sujet qui fâche", qui est un bon bouquin. En gros, Zizek met face à nos responsabilité d'agir, en contrariant toutes les idéalisations (néo-)libérales, en supprimant toute moraline (cf. Wendy Brown, "Les nouveaux habits de la politique mondiale":montage néo-libéral = totale dérégulation économique du profit associée à une moralité conservatrice de façade). Zizek utilise l'éthique psychanalytique pour contrer le néo-libéralisme. Est-ce que ça marche ? La question, au-delà du vif intérêt du rétablissement spéculatif de la pulsion de mort ("death disco"...), est : est-ce que tient l'appel à l'insurrection politique violente de Zizek ? Il semble plutôt le prolongement de sa conception du sujet, et en ce sens il cède, semble-t-il, à la fameuse confusion entre privé et public, qu'on ne peut pas réduire au jeu de déstabilisation de l'universel dont fait oeuvre le particulier, voire le singulier. D'ailleurs Zizek évoque le sujet, mais jamais l'individu, que l'"ordre" politique mutile, par-delà la non-coïncidence à soi du "sujet" (cf. Adorno). A cet égard, le livre de Richard Sennett, Les tyrannies de l'intimité, qui date de 1974, est peut-être plus actuel que jamais. Ce qui nous manque, ce sont certaines règles de communication impersonnelles. Tout est trop personnel, trop psychologique. A l'acte de Zizek, on pourrait si ce n'est opposer, au moins ajouter l'action : une praxis qui affirme des intérêts collectifs, de groupe ou de "classe". Les règles sur lesquelles les "vrais" libéraux (par opposition aux néo-libéraux) mettent l'accent sur le public, la distance à soi, par opposition à la violence (qui a toujours sa lourdeur), en s'appuyant, le sachant ou non, sur Wittgenstein (qui dit bien qu'on ne peut pas savoir ce qu'est une règle), et les règles peuvent être élaborées, modifiées - éventuellement, de façon radicale. Le détour par les années 80_90 bien comprises, à savoir par le retour du libéralisme, et notamment sur la nécessité de la division sociale, au moins aussi profonde que celle du sujet, a son utilité. En France, Claude Lefort a l'importance d'Habermas en Allemagne : une insistance sur les lois et les règles qui permet un renouveau de la pensée du "public". Claude Lefort n'est pas si ennuyeux que ça ! Il évoque l'impasse historique de l'URSS en détail, et de façon conceptuelle (histoire conceptuelle, le motif de Furet, mais c'est mieux que Furet, car il n'y a pas de ressentiment anti-communiste), dans "La complication". On ne peut pas faire l'économie du retour du libéralisme, sinon on cède à la nostalgie des "60-70" (ou d'avant) ?
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ReplyDelete"Je ne me dissimule pas l'apparent avantage que les partis ennemis - ceux pour qui "l'amour de l'ordre se confond avec le goût des tyrans" (Tocqueville) - vont prétendre tirer de mon livre. Et voici qui m'eût retenu de le publier, de l'écrire même, si ma conviction ne restait intacte, inébranlée, que d'une part l'URSS finira bien par triompher des graves erreurs que je signale ; d'autre part, et ceci est plus important, que les erreurs particulières d'un pays ne peuvent suffire à compromettre la vérité d'une cause internationale, universelle. Le mensonge, fût-ce celui du silence, peut paraître opportun, et opportune la persévérance dans le mensonge, mais il fait à l'ennemi trop beau jeu, et la vérité, fût-elle douloureuse, ne peut blesser que pour guérir."
André Gide, Retour de l'URSS, novembre 1936