Friday, 29 January 2010
Joseph Ghosn : Dix Bandes Dessinées pour les années 2000
Il a été un moment question (ce devait être durant les élections, dans la cuisine une fille parlait de Segolene et de François Bayrou) que Joe et moi nous nous lancions dans un duo de comiques libanais supposé hilarant et qui aurait logiquement du casser la baraque dans tout le Proche-Orient (+ sa diaspora). Nos vies auraient coulé, iiiiiivres d’arak, entre la douceur parfumée de la classe affaire des vols Middle East Airlines et la chaleur humide et étouffante des galas ovationnés. Certains soirs, tels des personnages de Serge Clerc ou d'Yves Chaland, nous aurions saccagé des suites de palaces, à Dubaï ou au Qatar, à coups de batailles de falafels et de khébés sous le regard concupiscent de quelques lascives princesses arabes. Bon.. les choses ont tourné autrement... et à la place nous avons surtout passé pas mal de notre temps libre à alimenter des blogs. Celui de Joe (http://josephghosn.com/), updaté quotidiennement, est une folie qui informe en direct sur ce qui maintient éveillé ce garçon insatiable. Beaucoup de musique, beaucoup de bandes dessinées. Un taux de découverte vertigineux. C'est Babel et sa Tour. Ici aussi, à Discipline in Disorder, Joseph envoie de temps à autres des nouvelles, essayant surtout de nous faire croire qu’il ne lit que des BD – mais Joe, on sait tous que c’est faux et il serait temps que tu écrives sur autre chose aussi. Mais comme son expertise sur la question reste inégalée, on lui a supplié une short list commentée de ses dix b-d de la décennie. Une liste plus étendue est simultanément dispo sur son blog (c'est beau la stéréophonie). Et si jamais c’était insuffisant, vous irez en librairie acheter son récent et très bon guide des Romans Graphiques. Dernière chose, sa monographie sur La Monte Young sort lundi, elle aussi aux éditons Le Mot et le reste. Ayda chou?
Tatsumi - A drifting Life
800 pages qui se lisent en deux heures tant Tatsumi sait conter une histoire, embarquer son lecteur dans un cheminement rapide, mais riche. Ici, c'est sa biographie qu'il met en scène, en profitant pour raconter l'essor du manga d'auteur dans le Japon des années 50 et 60 : une lecture indispensable, sortie en 2009 aux Etats-Unis, pas encore en France.
David Mazzuccheli - Asterios Polyp
On se souvient de Mazzucchelli pour son travail dans les années 80 sur Batman et Daredevil, puis pour son adaptation de Paul Auster. Ici, il est ailleurs : dans le récit de vie d'un homme qui, vers 45 ou 50 ans, profite d'un feu chez lui pour s'enfuir, changer de vie, n'emportant presque rien de son ancienne vie, sinon ses souvenirs. Le design du livre, les compositions de MAzzucchelli, la manière dont il conte son histoire : tout est à tomber. Le livre doit sortir en France chez Casterman.
Charles Burns - Black Hole
Le grand roman graphique de Burns, très ligne claire réinventée tout en noir, est aussi le plus beau livre post-gothique d'une Amérique en quête de sens : Burns mélange autofiction et fantastique, horreur gore et horreur du quotidien. Son ton est impeccable, et son livre est peut-être le plus influent de sa génération : les plus jeunes auteurs de BD s'en réclament tous.
Monsters - Mat Brinkmann
Pas une BD, mais un recueil d'imges de monstres sortis de la tête de Brinkman dans laquelle on adorerai vivre un jour ou deux, mais pas plus. Le livre est tout en sérigraphie, sorti par Le Dernier Cri à Marseille. Son tirage est ridicule : n'hésitez pas à sacrifier un chien ou une tante pour en trouver un exemplaire.
Joe Daly - Red Monkey
Vous vous souvenez de Ted Benoit ? Joe Daly, lui, ne l'a jamais oublié. Ici, Daly réinvente la ligne claire dans une Afrique du Sud inconnue de nous, violente et sauvage.
Conrad Botes - Rats & Chiens
Lui aussi surgi d'Afrique du Sud, Botes tient plus de Crumb que de la ligne claire : son livre est une suite de nouvelles ténébreuses, évoquant religion et famille, en un noir et blanc charbonneux, opaque, violent.
Anthologie Kramer's Ergot 4-7
On ne peut pas s'intéresser à la bande dessinée des années 2000 et ne pas lire les numéros 4 à 7 de cette anthologie où se bousculent les découvertes et les surprises. Editée par Sammy Harkham, lui-même auteur accompli et précieux, Kramer's Ergot propose à chaque fois une percée neuve dans un monde reconstruit, reformaté sous nos yeux : du dessin pur aux BD les plus formatées, tout y est juste splendide et le numéro 6 est grand comme une table, pour laisser la place aux planches. Si vous n'avez pas la place pour l'accueillir, contentez-vous de trouver les numéros 4, 5 et 6 : indispensables.
David Heatley - J'ai le cerveau Sens dessus-dessous
Le dernier prodige américain, qui dessine à la manière d'un Gary Panter plus pop, évoquant sexe et rêves, racisme et musique, sans aucun tabou, sans aucune retenue. Sa manère d'insérer au milieu de son récit des chroniques de disques hip-hop est une des plus belles inventions critiques récentes, qui renouvelle bien la façon de parler de la musique et l'endroit où le faire.
Rory Hayes - Where Demented Wented
Fletcher Hanks - I Shall Destroy Every Civilized Planet / You Shall Die By Your Own Evil Creation
Sur Rory Hayes, rien à dire de plus que ça http://disciplineindisorder.blogspot.com/2009/11/rory-hayes-where-demented-wented.html - Sauf que Hayes a été redécouvert comme beaucoup d'autres dans les années 2000 et que ce livre anthologique est l'un des plus étonnants de la décennie passée au même titre que les rééditions du fou furieux des années 39-41 : Fletcher Hanks, qui dessinait les plus violentes histoires de super-héros vengeurs, arborant des têtes de mort pour répandre une justice forcément sanglante. En deux ans Hanks a commis des comics malades et fous, avant de disparaître. Deux volumes lui ont été consacrés, qui permettent de relire toute son oeuvre de petit maître, de faiseur profitant de ses commandes pour créer un monde empli d'obsessions morbides, violemment tenaces.
pix: Fletcher Hanks
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