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Sunday, 2 October 2011

Viva - Superstar - Putnam 1970




C’est en lisant les articles sur le dernier Garrel (Rome, un jeune premier, une star internationale...) que j’ai repensé à ce livre. Le « roman » de Janet Susan Mary Hoffmann, alias Viva, l’une des superstars de la Factory, dans lequel elle raconte sa vie depuis ses premiers fantasmes de petite fille jusqu’à ses coups de fil sexuels à Jane Fonda, pardon, Jean La Fonce - c’est un roman à clé dont les serrures sont grosses comme des portes tellement les pseudonymes sont transparents. C’est en lisant les articles sur le dernier Garrel que j’ai repensé à ce livre parce que, entre autres hauts faits hautement comiques et underground on y retrouve la bande du Lit de la Vierge, Garrel, Nico, Pierre Clémenti, en plein trip christique à Rome sur le tournage de cette Passion envapée au LSD. Clémenti y est poignant de fragilité et de mélancolie solaires, comme toujours, le cerveau déjà un peu cramé, passif et masochiste lorsqu’il contemple sa femme coucher avec Gérard, le réalisateur (Garrel). « "No vonder he flipped out," said Olga [Nico]. "I would too if my wife slept with my director." »

Tout est comme ça : piquant, dévergondé, gossipy comme une feuille à scandale de Hollywood (ou plus justement comme une chute du Hollywood Babylon de Kenneth Anger) ; les stars et demi-stars de l’underground international baisent, se droguent, s’invitent les unes les autres de part et d’autre de l’Atlantique dans leurs appartements ou dans leurs films respectifs ; on se téléphone aussi beaucoup, et Viva reproduit in extenso ces coups de fil décousus à la façon de A, a Novel, l’illisible et très amusant « roman » (comme son nom l’indiquait) de Warhol entièrement fabriqué à partir de transcriptions de bandes magnétiques enregistrées à la Factory, à l’époque où ce qui deviendra le dispositif-type de la téléréalité était encore une déclaration d’avant-gardisme scandaleux. Et au milieu de tout ça, Viva nous raconte en direct l’attentat de Regina La Paz (Valérie Solanas) contre A (Warhol), avec lequel elle était en ligne quelques secondes avant qu’il ne se fasse descendre. Elle entendit les coups de feu alors qu’elle parlait avec Fred Morris (Paul Morrissey) à qui A avait laissé le combiné, et crut que c’était des coups de fouet : « "Oh, shit," I said, "they’re playing around with the whip I bought in San Diego and A is shouting, ‘Gloria.’ I guess they want to teach me a lesson about that whip. » Warhol gisait dans son sang, et elle pensait qu’il imaginait une mise en scène SM pour elle...

Tout cela fait déjà de Superstar une lecture obligatoire pour tous ceux que fascine la fluidité créatrice des années Factory, et plus qu’un tell-all à la Pamela des Barres. Mais le livre va plus loin encore, encouragé par la configuration astrale exceptionnelle dont bénéficiait à cette époque tout ce qui touchait à Warhol et à sa cour. Lorsque j’ai trouvé le paperback de ce livre, pour 1 franc dans un étal de vieux bouquins vers le Père Lachaise, j’étais en pleine phase Harmony Korine, qui venait de finir son premier film et de sortir son petit livre A Crack-Up at the Race Riots, et c’est à ses chroniques familiales désaxées que m’a fait penser toute la première partie du livre, lorsque la future Viva décrit son enfance peuplée d’adultes tous plus pervers et névrosés les uns que les autres. Et si l’on goûtera la suite parce qu’on y reconnaît la plupart des personnages, ici on ne connaît personne et on se régale juste du style, ce ton amusé et faussement détaché avec lequel elle raconte les pires incongruités - les bruits que fait son père lorsqu’il chie, les manières de tripoteur dégueulasse du médecin familial, les nonnes et les curés perturbés qui prétendirent l’éduquer.

A la fin du livre, on trouve une lettre de son père (ou du moins, du père de Gloria, l’héroïne) qu’il termine en citant Jésus Christ : « " ‘It would be better a millstone be tied around your neck and you be cast into the sea…than that ye create scandal.’ Yours, Dad. " Gloria thought about it all day. . . »

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