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Saturday, 10 March 2012

Charles Bukowski, Shakespeare n'a jamais fait ça, 2012

Pour moi le grand Dieu est juste un peu trop balèze, trop infaillible, trop puissant. Je ne veux ni être pardonné, ni accepté, ni sauvé, je veux quelque chose de modeste, pas la lune - une femme moyennement belle de corps et d'esprit, une automobile, un toit au-dessus de ma tête, de quoi manger, pas trop de maux de dents ni de pneus crevés, pas de longue maladie mortelle ; même une télé avec de mauvaises émissions fera l'affaire, et ce serait sympa d'avoir un chien, très peu d'amis, une bonne plomberie, assez de pinard pour remplir les vides jusqu'à la mort - que (pour un lâche) je ne redoute pas tellement. La mort ne représente pas grand-chose pour moi. C'est la dernière mauvaise blague d'une longue série. La mort, ce n'est pas un problème pour les morts. La mort, c'est un film comme un autre, ça va. La mort ne pose problème qu'à ceux qui restent, à ceux qui étaient liés au défunt, et les problèmes augmentent proportionnellement aux biens laissés. Si c'était un clodo des quartiers pauvres, le seul problème sera de déblayer les quelques saletés qu'il possédait. Certains sont nés une cuillère en argent dans la bouche, mais tout le monde s'en va les poches vides. Bien entendu, le cas d'un artiste est différent : il laisse derrière lui ce petit fumet parfois appelé "immortalité" et, bien sûr, plus il aura assuré dans son domaine, plus la puanteur se répandra - par mille canaux : couleur, son, page de texte, pierre... C'est la faute aux vivants, cette immortalité, ils s'accrochent à la puanteur, ils l'adorent. L'artiste n'y est pour rien, il sait que ça n'appartient pas plus à l'immortalité que ça n'appartenait à la vie ; il a tenté sa chance, ça suffit, au suivant ! (pages 142 et 143)

Ça fait combien de temps que je n'ai pas ouvert un livre de Bukowski ? 20 ans, au moins ! Ça remonte à cet âge où il m'a dépucelé la cervelle me donnant enfin la force de prendre dans mon sac Hervé Chapelier un des cahiers, que l'on ne remplissait jamais jusqu'au bout, pour y écrire sur les dernières pages ces poèmes (à quelques détails près, les mêmes que les vôtres) qui sommeillaient en moi et que j'ai préféré oublier avec le temps (
comme vous avec les vôtres). Il faut dire que Bukowski avait sérieusement désacralisé ce passage à l'acte, contrairement à monsieur Vialas et ses Trois Contes de Flaubert.
Comme Ma première fois, Bukowski ne m'évoquera à jamais qu'un seul mot : tendresse.




Charles Bukowski, Shakespeare n'a jamais fait ça, 2012, 13e note éditions

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