La mort de Moebius m'a rappelé ce jour de l'été 1990 où j'ai appris la mort d'Yves Chaland, à 33 ans. Je l'avais découvert dans Astrapi où il dessinait Adolphus Claar (oui, et c'est aussi là que j'ai découvert Joost Swarte) et dans Spirou où il avait repris à la Franquin 1948 le personnage-titre du journal. Et, pour moi, à partir de ce moment, son univers bruxello-fifties au trait rapide est devenu le style définitif des années 1980 en matière de bande dessinée.
Mais mon album préféré de Chaland est le tome 3 de son intégrale, publié par les Humanoïdes Associés en 1997 mais reprenant ses premiers albums des années 1978-1980. Parce qu'il renferme ce trésor ironique et infiniment jouissif, Captivant, ou la reproduction des quelques numéros de septembre et novembre 1954 (du moins, c'est qui est écrit sur leur couverture) du journal du même nom, faux illustré franco-belge pour enfants pas sages.
Il s'agissait en fait de strips et de fausses rubriques dont Chaland et son compère Cornillon parsemèrent les marges de Métal Hurlant à la fin des années 1970, réunies et remises en page dans une parfaite imitation des Spirou et Tintin de l'âge classique. On y trouve donc les mêmes histoires édifiantes et colonialistes mais, ici, elles sont pleines d'aventuriers lubriques, de rock'n'roll et d'horreurs lovecraftiennes, et dessinées dans un style à chaque fois différent, allant de Will Eisner à Willy Vandersteen (Bob et Bobette) ou Breccia, en passant naturellement par Franquin, Jijé et Tillieux, les dieux rigolards de Marcinelle. Chaland y est absolument virtuose, et l'on voit peu à peu se former son style si particulier, qui éclatera dans l'album suivant, repris dans le même recueil, Bob Fish, d'où sortira également le Jeune Albert, qui deviendra son héros fétiche.
A un moment dans Captivant, dans une histoire de SF idiote à la manière d'Alex Raymond, Chaland a griffonné ce message : "Merde Tillieux est mort ! Tout fout le camp !". Il venait d'apprendre la mort du père de Gil Jourdan dans un accident de voiture. Douze ans plus tard, c'est lui qui succombera sur la route des vacances, et l'on ne peut que rager en pensant à tout ce qu'il aurait pu encore donner au dessin et à la bande dessinée.
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Si je devais garder cinq livres, toutes catégories confondues, le Jeune Albert serait en haut de la liste. Un jour, dans DinD...
ReplyDeleteEuh... et les 4 autres en-dessous ?
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