A Berlin aussi où il s'agit d'accréditer l'idée d'une main tendue à la France, en obtenant en passant la docilité de quelques grands noms de sa littérature.Certains sont acquis à l'Allemagne depuis longtemps, tels Brasillach, Drieu la Rochelle, Bonnard, Fraigneau,D'autres se laissent attraper, et c'est cet itinéraire là qui est le plus intéressant à suivre,il s'agit de Jouhandeau, Chardonne, Fernandez.
Alors, bien sûr les ressorts qui vont jouer ne sont pas les mêmes pour chacun, mais tous à la fin du séjour qui dure une quinzaine de jours, qui les balade dans des sites spécialement choisis à leur intention et qui se termine en apothéose à Weimar, (patrie de Goethe), avec le discours de Goebbels leur laissant croire qu'ils sont invitésen avant première au banquet de l'Europe nouvelle, tous vont repartir, persuadés de faire partie de cette élite chargée de présenter l'Allemagne comme la seule nation capable de piloter avec détermination l'unité de la Nouvelle Europe. Pourtant, à ce congrès, après des dégoulinades de francophilie dontils auraient pu se méfier, était venu le temps de l'endoctrinement, puis l'artillerie lourde, puisque la guerre se trouvait réduite à la guerre entre deux livres: le Capital du juif Marx et Mein Kempf d'adolf Hitler. Les discours les ont séduit ou les ont intimidés, mais ce qui les a rattrapés aussi, c'est leur propre duplicité, leur complaisance à la flatterie, leur peu de consistance, leur égotisme, chacun suivant sa mauvaise pente.
L'alliance, en eux d'abord, s'est faite avec le pire. Malgré quelques sursauts de révolte sans suite, ou encore quelques moments où ils ont approché la vérité dans sa crudité, ils se sont prêtés à la mascarade. Rien ne les retenant plus, leur anti-sémitisme et leur anti-bolchevisme flambent de plus belle et à leur retour ils se feront les chantres de l'idéologie nazie. Desormais, ils se montreront convaincus que le péril judéobolchevique réclame l'union des destins de l'Allemagne et de la France, sans pour autant se sentir assignés à l'héroïque sous toutes ses formes, comme le leur a prescrit Goebbels. Goebbels, "ce preneur de rats" a gagné son pari: la France, nation littéraire entre toutes et dont il avait besoin de l'appui, est tombée dans ses bras, la race germanique devient créatrice de la culture européenne et le succès de ce congrès le renforce dans sa lutte contre "l'art dégénéré". Pour Hitler, Goebbels prenait bien trop de peine. Lui, qualifiait les artistes français d'"esthètes poitrinaires", "nul besoin de se préoccuper de leur santé spirituelle, laissez-les dégénérer, c'est tant mieux pour nous".
Jouhandeau et les autres ne pouvaient ignorer que la simple acceptation de l'invitation constituait une adhésion tacite à la politique de collaboration.Au retour, les sept "élus" reçoivent les bénéfices de cette collaboration, à la Libération, aucun ne consentira à en payer le prix. D'autres le payèrent. Dans le journal l'Université Libre du 16 décembre 41, s'adressant aux "anciens écrivains français"partis à Weimar, le scientifiqueJ. Solomon, le philosophe G. Politzer, le professeur et traducteur d'allemand J. Decour publient une lettre ouverte dont voici quelques extraits:
"Vous saviez -car les dirigeants hitlériens n'en font pas mystère- que l'"ordre nouveau" réserve à Paris un rôle d'obscure ville de province, que Berlin rêve de devenir la capitale intellectuelle d'une Europe asservie. Vous saviez que la plus grande honte pour un écrivain, c'est de participer à l'assassinat de la culture nationale dont il devrait être le défenseur. Vous ne l'ignorez pas. Mais vous êtes partis car vous ne vous ne vous souciez ni de la France, ni de sa culture... Vous avez mieux aimé vous attacher comme esclave au char de l'ennemi que de mener la lutte glorieuse contre la barbarie.Au reste, votre mission dans ce voyage, n'était que simple figuration. Plus précisément, vous avez servi de masque"...
Les auteurs de cette lettre seront arrêtés en février 42 et fusillés en mai. En lisant ce livre on pense que malheureusement la culture ne garantit en rien une conduite éthique,ne protège pas du pire et que des faits comme ceux-là donnent raison à la Boétie pour avoir si bien formulé notre amour pour la servitude volontaire, notre amour pour le tyran.
M.F.B
Francois Dufay, Le Voyage d'Automne-Octobre 1941, des écrivains français en Allemagne, Omnibus, 2000.
je me sens assez inculte devant une telle débauche de livres postée en si peu de jours.
ReplyDelete'le manuel' d'épictète, livre de poche... 2-3 jours. joseph de maistre 'œuvres', bouquins, 1300 pages d'édition critique et exégétique... combien de semaines ? :-(
bon, je vais me prévoir une distraction, 'le silence de la mer'.
pourquoi t'écris pas un livre gatito ? je te sens presque près là non ? (c'est pas de l'humour c'est vrai, je te l'ai déjà dit....)
ReplyDelete