Thursday, 30 September 2010
Quote
Jeudi froid
Arbre bleu
Perce-neige aux impossibilités d'écrire
L'inaccessible virgule qui précède le mot
Nuit
Riche sous ma chevelure
Je prie gravement
Je rêve
Une large bande d'ombre
Coupe
Ton visage de sa mauvaise certitude
La tristesse tombe au ralenti
Odeur de mégot
Ovaire inactif
Tango
Ma dépouille pose nue
Sans surcharge de chaînes
Ni vain désespoir
Il ne peut y avoir de cloison entre la neige et la pluie.
Joyce Mansour, Prose et poésie, éditions Actes Sud 1991.
Sunday, 26 September 2010
Jerry Berndt, Insight, 1967-1989
Son père tenait un café dans le Wisconsin.
Lui s’est contenté de faire l’essentiel de ses photographies des années soixante et soixante-dix dans les bars de Boston, considérant ces lieux comme une « zone de combat ». Avec soi-même, avec la solitude, avec le whisky, avec l'ombre qui gagne du terrain. Les photos de Jerry Berndt ont ceci de paradoxal qu’il est nécessaire, pour en apprécier les contrastes, de les exposer à la pleine lumière du jour - quand elles ne font que condenser le bruit mat et solitaire de la nuit. Sur le mur de l’une d’elles, on peut lire l’inscription The war is over. La guerre est finie. Et comme en dessous on y voit un pochard éberlué, assis sur un carton posé à même le caniveau, en pleine léthargie petit matin, on devine que la guerre a été une fois de plus perdue.
Jerry Berndt, Insight, Steidl, 2008
Sunday, 5 September 2010
Eat the document: Roberto Bolano, El Burro, 1994
El Burro. En espagnol, l’âne. Vaut aussi pour abruti, idiot. Mais encore : le plus beau poème de Bolano, publié pour la première fois en 1994 dans Los Perros romanticos - les Chiens romantiques -, et bien entendu toujours inédit en France. Comme à DiD, nous sommes des chiens, voici l’intégralité du poème, un peu pour vous, un peu pour humilier toute idée de rentrée littéraire.
EL BURRO
A veces sueno que Mario Santiago
Viene a buscarme con su moto negra.
Y dejamos atràs la ciudad y a medida
Que las luces van despareciendo
Mario satiago me dice que se trata
De une moto robada, la ùltima moto
Robada para viajar por los pobres tierras
Del norte, en direcciòn a Texas,
Persiguiendo un sueno innombrable,
Inclasificable, el sueno de nuestra juventud,
Es decir el sueno mas valiente de todos
Nuestros suenos. Y de tal manera
Còmo negarme a montar la veloz moto negra
Del norte y salir rajados por aquellos caminos
Que antano recorrieran los santos de México,
Las poetas mendicantes de méxico,
Las sanguijuelas taciturnas de Tepito
O la Colonia Guerrero, todos en la misma senda,
Donde se confunden y mezclan los tiempos :
Verbales y fisicos, el ayer y la afasia.
Y a veces suno que Mario Satniago
Viene a buscarme, o es un poeta sin rostro
Una cabeza sin ojos, ni boca, ni nariz,
Sòlo pile y voluntad, y yo sin preguntar nada
Me subo a la moto y partimos
Por los caminos del norte, la cabeza y yo,
Extranos tripulantes embarcados en una ruta
Miserable, caminos borrados por el polvo y la lluvia,
Tierra de moscas y lagartijas, matorrales resecos
Y ventiscas de arena, el ùnico teatro concebible
Para nuestra poesia.
Y a veces sueno que el camino
Que nuestra moto o nuestro anhelo recorre
No empieza en mi sueno sino en le sueno
De otros : los inocentes, los bienaventurados,
Los mansos, los que para nuestra desgracia
Ya no estàn aquì. Y asì Mario Santiago y yo
Salimos de ciudad de México que es la prolongaciòn
De tantos suenos, la materializaciòn de tantas
Pasadillas, et remontamos los estados
Siempre hacia el norte, siempre por el camino
De los coyotes, y nuestra moto entonces
Es del color de la noche. Nuestra moto
Es un burro negro que viaja sin prisa
Por las terras de la Curiosidad. Un burro negro
Que se desplaza por la humanidad y la geometria
Y la risa de Mario o de la cabeza
Saluda a los fantasmas de nuestra juventud,
El sueno inombrable e inùtil
De la valentia.
Y a veces creo ver una moto negra
Como un burro negro alejàndose por los caminos
De tierra de Zacatecas y Coahuila, en los lìmites
Del sueno, y sin alcanzar a comprender
Su sentido, su significado ùltimo,
Comprendo no obstante su mùsica :
Una alegre canciòn de despedida.
Y acaso son los gestos de valor los que
Nos dicen adiòs, sin resentimiento, ni amargura,
En paz con su gratuidad absoluta y con nosotros mismos.
Son los pequenos desafìos inùtiles-o que
Los anos y la costumbre consintieron
Que creyéramos inùtiles- los que nos saludan,
Los que nos hacen senales enigmaticas con las manos,
En medio de la noche, a un lado de la carretera,
Como nuestros hijos queridos y abandonados,
Criados solos en estos desiertos calcàreos,
Como el resplandor que un dia nos atravesò
Y que no habiamos olvidado.
Y a veces sueno que Mario llega
Con su moto negra en medio de la pesadilla
Y partimos rumbo al norte,
Rumbo a los pueblos fantasmas donde moran
Las lagartijas y las moscas.
Y mientras el sueno me transporta
De un continente a otro
A través de una ducha de estrellas frias e indoloras,
Veo a la moto negra, como un burro de otro planeta,
Partir en dos las tierras de Coahuila.
Un burro de otro planeta
Que es el anhelo desbocado de nuestra ignorancia,
Pero que también es nuestra espranza
Y nuestro valor.
Un valor inombrable e inùtil, bien cierto,
Pero reencontrado en los margenes
Del sueno màs remoto,
En las particiones del sueno final,
En la senda confusa e magnética
De los burros y de los poetas.
Thursday, 2 September 2010
Bret Easton Ellis, Imperial Bedrooms, 2010
Vous n’avez pas envie de lire quelque chose de long et d’élaboré sur le nouveau Bret Easton Ellis, juste savoir si vous pouvez y aller et la réponse est : oui, carrément. Suite(s) Impériale(s) (le titre américain, Imperial Bedrooms, n’était déjà pas très heureux mais y avoir rajouté ces parenthèses de chochottes, quelle idée pourrie…) étant ce que cet enfoiré a fait de mieux depuis Glamorama. Ou depuis les vingt-cinq premières pages de Lunar Park (avant que Lunar ne devienne une effarante suite de dialogues pour sitcom). La concentration, cette fois, a payé (le livre est court, ramassé sur deux cent vingt-cinq pages, qui plus est imprimées en caractère 22 comme si le lectorat de Ellis avait tellement abusé de crystalmeth durant ces dernières années qu’il en aurait au passage perdu la vue - et l’odorat aussi : je ne sais pas comment font les gens de Robert Laffont mais ce livre, à mon grand désarroi, ne sent rien). Fuck la rentrée littéraire : Il vous reste quelques jours encore pour confronter ce monument de paranoïa et de dévastation au miroitement chloré de la piscine de votre hôtel (compter deux après-midi). Mais si votre vie mondaine n’a pas attendu septembre pour déjà reprendre (on vous plaint) et qu’il y a urgence ce soir, au restaurant de briller (« encore un repas de merde à 60 euros », dirait la lucide Karine Charpentier), glissez d’un air las qu’on y cite aussi bien Elvis Costello qu’Altered Images, mais aussi (hélas) Bat for lashes ou Beck, ce qui est plus inquiétant pour qui désirait hier encore être réincarné en I :pod d’écrivain américain lancé… Entre le hors d’oeuvre et le plat principal, faites remarquer, la bouche en cul, qu’Ellis a pas mal levé le pied sur le name dropping et le placement de produits (désormais, ses personnages se définissant mois par ce qu’ils portent ou écoutent que par le désarroi qui les gagne) mais que son tempérament de camé se reporte désormais sur l’envoie frénétique de SMS (vous-même, tout en disant ça, envoyez des SMS en mangeant…).. Qu’il s’agit là, d’une suite de miroirs - les plus effrayants et les plus acérés qui soient (tous les personnages, on ne vous la fait pas, sont potentiellement des extensions malades et incestueuses de Clay, le héros de Moins que zéro catapulté scénariste 20 ans après, Clay étant lui même un double de B.E.E.), qu’il s’y dévoile assez abruptement ce que l’on a toujours su, au fonds : que les films n’étaient fait que sur des histoires de culs et de fric. N’oubliez pas de conclure en rajoutant, à l’adresse de la jeune femme à côté de vous, qu’il s’agit peut-être du plus beau texte écrit récemment sur Los Angeles, c'est à dire sur l’amertume.
« Les panneaux publicitaires numériques brillant dans la brume grise semblent tous dire non et les poinsettias qui occupent la plate-bande centrale de Sunset Plaza sont mourants et le brouillard ne cesse d’envelopper les tours de Century City et le monde est en train de se transformer en film de science-fiction – parce que rien de ce qu’il est n’a quoi que ce soit à voir avec moi en réalité. C’est un monde où se défoncer est la seule option. Tout devient plus vague et abstrait depuis que chacune de mes lubies et chacun de mes désirs, qui ont été constamment satisfaits cette dernière semaine de décembre, ont maintenant disparu, et je ne veux pas les assouvir avec quelqu’un d’autre, parce qu’il n’y a pas de substitution possible – les sites porno d’adolescentes ont l’air différents- retouchés en quelque sorte, plus rien ne fonctionne, ça ne marche plus, et j’ai donc recrée dans ma tête, heure par heure, les séances de sexe qui ont eu lieu dans la chambre pendant ces huit jours passés avec elle, et quand j’essaie d’échafauder un scénario que j’ai négligé par paresse, il en sort un truc moitié sincère moitié ironique, je suis distrait par le simple fait que Rain ne réponde pas à mes messages ou à mes SMS, et puis, trois jours seulement après son départ, ce n’est plus, officiellement, une distraction mais un obstacle. Les ecchymoses sur ma poitrine et sur mes bras, les marques des doigts de Rain et les égratignures sur mes épaules et mes cuisses commencent à s’effacer, et je cesse de répondre aux divers e-mails des gens qui sont de retour en ville puisque je n’ai aucune envie d’entendre les commérages sur Kelly Montrose ou de me moquer des rumeurs concernant les Oscars ou d’entendre parler des projets de chacun pour Sundance, et je n’ai aucune raison de retourner aux séances de casting à Culver City (puisque ce que je veux s’est déjà produit), et sans Rain ici tout se décompose entièrement et il est impossible de rester calme, c’est une chose que je ne peux pas contrôler. » (p. 92-93)
Bret Easton Ellis, Imperial Bedrroms, Suite(s) Impériale(s), 2010, Robert Laffont, traduit par Pierre Guglielmina.
« Les panneaux publicitaires numériques brillant dans la brume grise semblent tous dire non et les poinsettias qui occupent la plate-bande centrale de Sunset Plaza sont mourants et le brouillard ne cesse d’envelopper les tours de Century City et le monde est en train de se transformer en film de science-fiction – parce que rien de ce qu’il est n’a quoi que ce soit à voir avec moi en réalité. C’est un monde où se défoncer est la seule option. Tout devient plus vague et abstrait depuis que chacune de mes lubies et chacun de mes désirs, qui ont été constamment satisfaits cette dernière semaine de décembre, ont maintenant disparu, et je ne veux pas les assouvir avec quelqu’un d’autre, parce qu’il n’y a pas de substitution possible – les sites porno d’adolescentes ont l’air différents- retouchés en quelque sorte, plus rien ne fonctionne, ça ne marche plus, et j’ai donc recrée dans ma tête, heure par heure, les séances de sexe qui ont eu lieu dans la chambre pendant ces huit jours passés avec elle, et quand j’essaie d’échafauder un scénario que j’ai négligé par paresse, il en sort un truc moitié sincère moitié ironique, je suis distrait par le simple fait que Rain ne réponde pas à mes messages ou à mes SMS, et puis, trois jours seulement après son départ, ce n’est plus, officiellement, une distraction mais un obstacle. Les ecchymoses sur ma poitrine et sur mes bras, les marques des doigts de Rain et les égratignures sur mes épaules et mes cuisses commencent à s’effacer, et je cesse de répondre aux divers e-mails des gens qui sont de retour en ville puisque je n’ai aucune envie d’entendre les commérages sur Kelly Montrose ou de me moquer des rumeurs concernant les Oscars ou d’entendre parler des projets de chacun pour Sundance, et je n’ai aucune raison de retourner aux séances de casting à Culver City (puisque ce que je veux s’est déjà produit), et sans Rain ici tout se décompose entièrement et il est impossible de rester calme, c’est une chose que je ne peux pas contrôler. » (p. 92-93)
Bret Easton Ellis, Imperial Bedrroms, Suite(s) Impériale(s), 2010, Robert Laffont, traduit par Pierre Guglielmina.
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