'The present text deals with Art. But, it does acknowledge that Ethics and Aesthetics are related. The question of Style does concern life in general as well as Literature.'
in Henri Lefebvre, 'Vers un Romantisme Revolutionnaire', Nouvelle Revue Francaise 5/58, October 1957. Translated from French.
ça sort en octobre chez Grasset, ce qui nous (vous) laisse un mois pour lire l'autobiographie de Fuller chez Allia ou, pourquoi pas, la trad de la bio de Tom Waits par Barney Hoskyns chez Payot & Rivages. "Le premier qui trouve d'où vient l'oeil gagne la sucette", said P.G.... Garnier vient, par ailleurs, de finir d'écrire cet été un livre entier sur la Nuit du chasseur...
"Now, we’re a species of editors. We all recycle, clip and cut, remix and upload. We can make images do anything. All we need is an eye, a brain, a camera, a phone, a laptop, a scanner, a point of view. And we we’re not editing, we’re making. We’re making more than ever, because our resources are limitless and the possibilities endless ; We have an internet full of inspiration : the profund, the beautiful, the disturbing, the ridiculus, the trivial, the vernacular and the intimate. We have next-to-nothing cameras that record the lightlest light, the darkest dark. This technological potential has creative consequences. It changes our sense of what it means to take. It results in work thaht feels like play, work that turns old into new, elevates the banal. Work that has a past but feels absolutely present. We wante to give this work a new status. Things will be different FROM HERE ON… » Arles, July 2011.
«Maintenant, nous sommes une espèce d’éditeurs, tous, nous recyclons, nous faisons des copier-coller, nous téléchargeons et remixons. Nous pouvons tout faire faire aux images. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un œil, un cerveau, un appareil photo, un téléphone, un ordinateur, un scanner, un point de vue. Et, lorsque nous n’éditions pas, nous créons. Nous créons plus que jamais, parce que nos ressources sont illimitées et les possibilités infinies. L’internet est plein d’inspirations, du profond, du beau, du dérangeant, du ridicule, du trivial, du vernaculaire et de l’intime. Nos petits appareils de rien du tout capturent la lumière la plus vive comme la lumière la plus opaque. Ce potentiel technologique a des répercussions esthétiques. Il change l’idée que nous avons de la création. Il en résulte des travaux qui ressemblent à des jeux, qui transforment l’ancien et le nouveau, réévaluent le banal. Des travaux qui ont une histoire, mais s’inscrivent pleinement dans le présent. Nous voulons donner à ces travaux un niveau statut. Car les choses seront différentes, A PARTIR DE MAINTENANT… » Arles, Juillet 2011
Pour nous... Celui-ci est tellement « pour nous » qu’on est tous passé à coté! Walter Winchell est le dernier roman en date de l’écrivain le plus rare de tous les Etats-Unis: Michael Herr. Comme ce livre date de 1990 (je mets à part son Kubrick paru en 2000, qui était une version extended de son article pour Vanity Fair), et que depuis un bail, Herr vit retiré à Delhi (pas Delhi en Inde, Delhi dans l’état de NY), clamant haut et fort qu’il n’a plus rien à foutre de la littérature, il semblerait que l’homme soit perdu pour la cause. Correspondant de guerre pour Esquire, Herr en a tiré en 1977 Putain de Mort (Dispatches en VO), le grand récit terminal sur le Vietnam en même temps qu’une tentative défigurée à vouloir définir un héroïsme cassé. Putain de Mort est ce bouquin que l’on se refile entre nous à DinD, comme un talisman. Souvenez-vous de la première phrase, à partir de quoi cette sangsue malade ne vous lachaît plus : «Pour les sorties de nuit, les médecins vous donnaient des pillules, la Dexedrine, et son haleine de serpents morts gardés trop longtemps dans un pot. Moi je n’en ai jamais eu besoin, un léger contact ou n’importe quel bruit du même genre m’excitait à haute dose.» Pas pour rien que ces Viet articles pour Esquire l’ont amené à travailler sur les scripts d’Apocalypse Now et de Full Metal Jacket (dont il était aussi l’un des producteurs).
Walter Winchell n’est pas à proprement parler un roman. Ce devait être à la base un scénario pour la MGM. Comme le dit Herr dans sa préface, il est «un peu plus qu’un scénario et un peu moins qu’un roman". Et tout y est au présent de l’indicatif. « C’est peut-être juste un roman avec une caméra dedans. ». Mais le film ne s’est pas fait - hélas. Peut-être parce que le personnage de Walter Winchell (réel... Herr restant en cela fidèle à sa position de non-fiction writer) n’excitait plus grand monde la fin des années 80. Son nom ne résonnait plus avec quoi que ce soit. A vrai dire, il est même coriace de croire que Winchell fut l’un des hommes les plus célèbres des années 40. On dit qu’il y avait approximativement 140 millions (oui cent quarante millions) d’Américains qui se réveillaient le matin en lisant sa chronique dans les gazettes et mangaient le soir en écoutant Winchell vitupérer des horreurs à la radio. Wintchell était un beau salaud. Son physique pouvait rappeler celui de James Cagney dans The Roaring Twenties (Les Fantastiques années 20) de Walsh : même air de teigne, même intensité dans l’hystérie, les yeux toujours à deux secondes et demie de l’implosion. Walter Wintchell était un méchant. Il avait commencé en écumant les cabarets minables sur la fin des années dix à vouloir refiler à qui n’avait pas un sou un numéro de claquettes foireux. Par ici la sortie. En 1925, WW qui n’a jamais écrit une ligne de sa vie ni lu le moindre livre, redresse l’économie de plusieurs journaux en vendant des ragots. Il est ce qu’on appelle un échotier. Les rédactions le méprisent mais il les tient par les couilles : sans lui, le papier ne se vend pas, en tout cas pas autant. Personne n’ose se dresser contre lui. Depuis le Storck Club, le cabaret le plus huppé de NY, situé 53ème rue est, il défie le monde, le grand monde, celui des producteurs, hommes d’affaires, actrices et demie mondaines. Il en est le prince, le dictateur et le petit rapporteur. Certains disent qu’on lui doit l’engagement de l’Amérique dans la seconde guerre mondiale. Lui, tout du moins, le croyait. La fin de la guerre marquera sa chute. La télévision aussi : il passait mal. Il s’accrochera, présentant The Walter Winchell File, sorte de Faites entrer l’accusé teinté d’Incorruptibles. Épitaphe : «Il s’est montré aussi gentil qu’il le fallait en grimpant l’échelle et tout à fait odieux en redescendant.» Tout est dit.
On lit Herr et on entend le type. On lit Herr et on voit le film. Il ressemble à une version réussie de Cotton Club, où la cruauté règnerait en maître, plus du coté de Scorcese que de Coppola, donc. On peut lire encore WW comme un récit de guerre, mais où la parole serait une arme et le Stork Club une tranchée depuis laquelle des centaines d’ennemis en smoking et robe longue tireraient des salves de tous cotés. Les producteurs n’ont jamais aimé que les héros soient principalement connus pour être de sales types. Les producteurs ont tort.
«La vie de club n’était pas plus excitante. Souviens-toi, Sherm… La moitié des gens finissaient dans les cabinets. Il y avait des macs, des maîtres chanteurs, Dieu sait quoi… Damon disait que leur pères leur avaient laissé un coffre au lieu d’un cerveau. Ils claquaient tout…
-Je sais. Mais quand ils ont commencé à venir…
-Oh, ils ont été perdus dès l’instant où ils ont eu leur photo dans le journal.
-Mais c’était formidable de les voir ici. Ils vidaient mes réserves d’alcool. C’étaient des emmerdeurs. Mais bon dieu, comme ils étaient beaux! » (p.176)
Michael Herr, Walter Winchell, traduit par Elisabeth Peellaert, La découverte, Paris, 2003.
Paris en août a ce truc magique: On se balade avec rien à faire, on prend une rue indirecte par seul souci de perdre du temps, et voilà qu’on tombe sur une galerie faisant une expo de photos des décadentes Gazolines : Marie-France, Hélène, Gaétane, Maud et les autres… Des photos rarissimes des travestis les plus glam et les plus féroces du monde, prises en 1976 par Catherine Faux sur le tournage du génial et empoisonné TamTam d’Alfo Arrieta (et ces photos ont été faites principalement dans l’appartement de Maud Molyneux, rue Vavin, c'est-à-dire dans l’immeuble dessiné par Henri Sauvage où Bertolucci aussi avait tourné certaines scènes du Dernier Tango…) ou, la même année, sur le tournage de Mélodrame du méconnu Jean-Louis Jorge. Il y a aussi deux trois autres clichés période Punk (voire Sweet Punk), plus connus des spécialistes mais parfaits, pris par Philippe Morillon ou tirés du I’m a cliché de Belle Journée en perspective - encore un livre devenu introuvable par les temps qui courent. Paris l’été est magique, car nous sommes en août et cette expo fermait le 30 juillet. Qu’à cela ne tienne, comme par enchantement la porte est ouverte, les photos sont encore au mur et les gens de la galerie charmants. Et bien sur, il reste sur la table quelques exemplaires de la magnifique plaquette éditée à l'occasion de l’expo. Elle reprend les 13 photographies (tirages parfaits) agrémentées de textes écrits par des témoins du Montparnasse travesti du second mitan des années 70. Ça vaut que le prix d’un maxi quarante-cinq tours (dix euros), ça en a d'ailleurs l’électricité, mais avec un petit quelque chose d’éternité en plus.
«A St Germain des Près, quand je descendais de mon septième étage, j’étais immédiatement immergée dans le quartier Buci, je tombais sur des amis à chaque coins de rue. Certains jouaient dans les films d’Adolfo, de Jean-Louis Jorge ou de Geneviève Hervé. Je croisais Gaétane (Jacquie dans le générique de TamTam) promenant son chien rue Dauphine avant d’aller faire son numéro au cabaret Caroussel, Maud Molyneux et Michel Cressole attablés à la terrasse du « Dauphin », Michel Ange Yrazazsbal et Raoul Escari qui étaient logés plus loin, rue Jacob chez Marguerite Duras. Orla tenait une boutique de vêtements rue Dauphine, où la rejoignait Marie-France qui faisait un show à l’Alcazar rue Mazarine. J’allais de temps en temps chez Adolfo qui tenait salon dans sa chambre d’hôtel rue de l’Ancienne Comédie, où s’empilaient les boites de films servant de sièges aux espagnols qui avaient fui le régime de Franco, tout cela dans une odeur de vieux tabac.« (extrait de la préface de Catherine Faux)
Marie-France, Hélène, Gaétane, Maud et les autres… photographies de Catherine Faux, Philippe Morillon et Belle Journée en Perspective, Galerie Hautefeuille, 3 rue Hautefeuille, 75006 Paris, www.galeriehautefeuille.com