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Wednesday, 29 May 2013

François Médéline, La Politique du Tumulte, 2012.



Je reprends ici une vieille affaire. Pas un 'cold case', les bons livres, on les garde au chaud. Celui ci, peut-être un peu trop vénéneux pour être garde près du cœur quoi que… sur le romantisme on y reviendra…
Alors pourquoi ce long silence impose à un livre qui, dans l'instant, m'a mis une claque (une 'gifle' serait plus approprie, filiation franco américaine, Le dog a Lyon), et a un auteur qui a répondu avec rapidité, agressivité positive a mes questions parfois un peu con? Je ne peux pas rentrer dans les détails, mais ces derniers mois, c'est ma vie qui est devenue un mauvais polar, le glauque sans la romance, aucune nervosité narrative, de l'attente et de la déception. Passons. Mais vous voila accrochés? Passe-passe de ma part mais La Politique du Tumulte est un bon livre (On parle peu de romans noirs pares qu'on est souvent déçu ?), et François Médéline, je crois, un mec bien.
Faut il résumer un polar? Non. Pour le cadre, disons qu'on y retrouve a demi-mots mais à barillets pleins la rivalité du Grand vs le mou 93-95, un personnage de Barbouze digne d'American Tabloid (le déjà mythique Secondi-je cherche toujours l'acteur pour le film), des petites frappes qui 'sauvent le monde'… La Politique du Tumulte  est un livre compliqué, et non confus. Remarque, ce qui en a dérouté certains est ce qui me plait vraiment: une couverture où un flic flingue un chien (Yan Morvan),pas mal de loose ends, des ellipses (profusion d 'itinéraires bis' comme le dit bien Le Canard, 'A chaque fois que je le reprends, je suis perdue' comme le dit moins bien ma mère), une fusillade invraisemblable dans une villa lyonnaise, des histoires d'amours impossibles, des héros qui meurent… Et une fin tellement belle (Douglas Sirk?) que tout le monde déteste. L'auteur me l'a confirme, lui, il adore sa fin. Nous sommes donc d'accord.




Sur ce...


Toi et la Politique? Ne en 1979, donc 14 ans en 1993. Pourquoi cette fascination pour cette charnière (pour ne pas dire charnier, je te laisse les bon mots) alors que tu étais plutôt jeune?


Né en 1977, donc 15/16 ans (sic). C'est une période charnière à titre personnel, j'aurais dû être de droite, je suis devenu de gauche, j'aurais pu être un dragueur-niqueur, j'ai trouvé la mère de mes enfants (elle pense que je suis un manipulateur)... C'est la naissance de vingt ans de vie politique française jusqu'à l'élection de Hollande. La guerre Chirac/Balladur, le sang dans une même famille, entre frères, une vraie tragédie grecque...
Mais La politique, c'est passionnel, chez tout le monde, surtout chez ceux qui ne veulent pas en parler, et qui s'engueulent en famille, le dimanche. C'est le sujet tabou, ne pas parler politique sinon on va se mettre sur la gueule. C'est attirant, c'est écœurant, on n'en peut plus et on en redemande...

De ta politique intime a La Politique du Tumulte?

Je travaille dans la politique depuis quelques années et j'ai fais dix ans de Science Politique, jusqu'au doctorat, ça m'a permis d'écrire des livres. Un Point de départ?
L'affaire Ranucci : quelle montagne de saloperie pour qu'il soit innocent ? Un complot... Beaucoup de pouvoir. Que peuvent faire des hommes en système pour conquérir et conserver le pouvoir, d'immoral ? Et ce qui me gratte, c'est la complexité du monde, d'où la densité de la première partie, donner du souffle romanesque, demander au lecteur de se sortir les doigts du cul. Et la mort, la mort et l'amour, le sexe. La politique du tumulte, c'est un cocktail magique, la sainte trinité : le sexe, le pouvoir, le fric. On a mis quelques millénaires pour inventer le fric, ça permet d'avoir du cul et de dominer, parfois directement, souvent indirectement. C'est notre dernier prophète. Et à la fin, il reste souvent la mort, ou la vie, c'est toujours plus difficile de vivre.


On peut développer ce truc de la famille, qui, avec la politique, est au cœur de LA POLITIQUE... Enfin si tu veux.... Je me trompe en voyant beaucoup de la haine intergénérationnelle dans le livre, de façon claire ou entre les lignes? Ça t'obsède ces histoires de filiation? Tu n'es pas obligé de répondre sur ta vie mais ça transpire dans le livre (le vieux-Secondi-Hébert, Sylvia-Lea etc...). La famille c'est aussi de la politique?
 
J'ai un problème avec la génération qui nous a précédés. Les "vous ne savez pas parler", les "vous ne savez plus compter", les "vous ne savez plus écrire", les "vous êtes des branleurs", les "vous n'avez plus de colonne vertébrale idéologique", les "vous savez plus bouffer comme il faut", les moralistes, tu vois, nos parents, ceux qui ont baisé le monde alors qu'ils étaient une génération où le pouvoir économico-financier était moins grand, que y'a avait eu 68, et quand tu regardes ce qu'ils en ont fait, collectivement et individuellement, quel gâchis... J'ai donc un problème avec les vieux, théorique, idéologique, hein, pas sentimental. Mais qui a construit ce monde, qui nous a élevés, hein, qui ? Je crois qu'il pourrait y avoir une rupture générationnelle dans l'avenir, c'est une option, tous les vieux en Lozère et ils nous cassent plus les burnes car ils vont nous coûter un bras sinon. La politique, c'est comme une famille. T'habites dans une ville, un groupement de villes, un département, une région, un Etat, et t'as pas choisi de vivre avec les autres dans chacun de ces lieux symboliques et bien réels, mais tu dois vivre avec eux, prendre des décisions avec eux, et leurs décisions ont un influence sur toi, les tiens. Tu gères un budget, aussi, du fric... La famille, c'est la première sphère politique, avec les rapports de pouvoir, d'autorité, la LOI.


Lyon me semble a la fois si bourgeoise et si pourrie. Mais je ne connais pas bien, ton livre n'a pas arrange son cas. C'est un roman national et local, pas facile ça... Comment et pourquoi tu semble ancré dans la politique lyonnaise?


Lyon est une vraie ville criminelle, avec des figures du banditisme, c'est une ville à la croisée des chemins aussi, avec la Suisse pas loin, entre Paris et Marseille, une ville grasse comme sa bouffe, et une ville très populo quand tu joues aux boules, que tu vas dans les rades de la banlieues Sud et Est. La femmes sont bien préparées, y'a une trimbalée de bourgeoises bandantes sur la presqu'île. Dans les années 90, les putes étaient en centre-ville aussi, jusque dans la rue de la Charité, près des aristo d'Ainay. C'est une ville jalouse, on aurait dû être la capitale. Je lui rends justice. Pour surveiller les balladuriens, il faut avoir un camp de base un peu éloigné du front. Lyon, c'est parfait... Sinon, le natio est réel, le local est fictif, car dans les faits, dans les années 1990, le personnel politique lyonnais est plutôt secondaire. Donc, j'ai pu flinguer le maire de Lyon. Et le futuroscope aussi !

Paranoia de droite, polars de gauche?

La paranoïa de droite, c'est comme la paranoïa de gauche, ça fait des "grands" polars de gauche, je suppose, ou des mauvais. La posture critique, la dénonciation de toutes les formes d'oppression, de l'immoralité, c'est plutôt de gauche. Ca conduit au changement, pas à la conservation. Ellroy écrit des thrillers politiques de gauche, de mon point de vue même si il est un provocateur de droite, soi-disant ultra-croyant, au moins mystique dans son rapport à lui-même, car il est Dieu, mais dans ce qu'il écrit, il a, il me semble, une posture de gauche : regardez ces enculés, regardez ce grand JFK, regardez comment l'égoïsme et le fric dominent le monde, et surtout, regardez où ça nous mène, regardez l'apocalypse, là, aujourd'hui, ici et maintenant.
Réactionnaire de gauche, c'est un oxymore, ça n'existe pas, c'est comme progressiste de droite. Après, tu analyses le monde avec des grandes typologies, mais tu ne retrouves jamais ces "types" dans la réalité car le monde est complexe... C'est un oxymore, justement. Cette complexité, j’y suis attachée, c’était une volonté délibérée de la transcrire dans ce livre, même si c’est de façon fantasmée.
Sinon, je suis une lavette, je suis terrorisé par la violence, je suis provocateur mais je ne me suis jamais battu. Je me suis déjà pissé dessus, au sens propre mais jamais battu. Parce que j'ai peur d'avoir des trucs très dégueulasses au fond de moi, peut-être, ou que je suis une lavette . Mais qui ne rêverait pas d'être Secondi ? C’est un rêve puissant en moi.... Ce côté "under-control", manipulation, c'est en moi. Quand j'écris, je crois que je mets mon intimité sur le papier, mon écran. En tout cas, je le fais avec sincérité. Sincère et fantasmée, c'est comme ça que je projette ma nouvelle réalité sur un support, en fonction de ce que je suis, de ce que je crois savoir, de ce que j'ai vécu, de ce que j'aimerais être, vivre, de ce que j'ai dans les tripes. C'est dingue, mais cette réalité-là me semble beaucoup plus importante que tout le reste, quand je suis en phase d'écriture. Un fantasme, ça doit fonctionner comme ça, sinon ça ne fonctionne pas. Après le livre intéresse, il émeut, ou pas, ce n'est plus vraiment mon problème. Enfin, ce n'est plus le problème de celui qui écrit, c'est le problème de celui qui veut vendre, palper de la matière. Bref, il n'y a que des polars de gauche, je ne parle pas du message diffusé, je parle de la posture, de la façon singulière, critique, de traiter le réel, l'ordre des choses, qui semble toujours aller de soi. L'ordre des choses, on s'y démène, c'est de là qu'on vient, mais l'objectif, ça reste de le changer. Je le fais par l'écriture, peut-être, ce n'est pas glorieux, mais j'en ai besoin.



FRANCOIS MEDELINE,LA POLITIQUE DU TUMULTE,LA MANUFACTURE DE LIVRES.

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