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Tuesday, 2 June 2009

Jim Marshall, Proof, 1959-2003


Dans l'indispensable Freelance (on y revient en détail très bientôt), Garnier le considère comme "LE photographe rock de l'époque", au détriment d'Annie Leibovitz. Jim Marshall avait commencé dans le sillage de Walker Evans, marqué au fer rouge par la vérité sociologique des portraits de métayers qui parsèment Louons maintenant les grands hommes. Puis ce fan de blues, de jazz et de soul s'est laissé volontiers rattrapé par la pop culture et sa demande d'icones différentes, déglinguées, arrogantes. Dylan lui a servi de passeur. Son meilleur livre s'appelle Proof: une anthologie de portraits ravageurs exécutés pour Rolling Stones, City (le mensuel éphémère lancé par Francis Ford Coppola au milieu des années 70 en pleine euphorie American Zoetrope), Life, Teen set, le Saturday Evening Post ou encore Rags, le premier magazine de San-Francisco à mélanger mode et contre culture (et parution de comète: juin 70- juin 71). Le truc de Marshall, c'est le cirque rock, mais scruté avec la puissance de feu du photojournalisme.
Et puis...face aux 200 bouquins de photos inutilement identiques qui sortent chaque mois, Proof oppose un éditing de génie: Sur la page de droite, un portrait pleine page au Leica M4, favorisant souvent le grand angle : Dylan se faisant masser par Joan Baez, Janis Joplin beurrée comme un coing, Jim Morrison tirant une taffe dans un parc, Mick Jagger en pleine parano, tête rentrée dans les épaules, claquemuré dans le siège du jet privé qui l'emmène à Los Angeles, Johnny Cash s'apprêtant à pénétrer dans l'enceinte de la prison de Folsom, Ray Charles dans une détresse noire, Miles Davis les bras en croix sur un ring de boxe, short Lonsdale et poutre apparente... ce genre. Sur la page de gauche, la planche contact d'où est extraite la photo. La séquence dans son intégralité, les 30 images nécessaires pour arriver à saisir enfin, dans sa perfection, quelque chose de la personne en face, sa prégnance. Mine de rien un truc qu'on ne voit (presque) jamais: le photographe au travail, avec ses images qui ne marchent encore que sur une patte. Tout ce processus panique qui prouve combien les photographes avancent à l'aveugle.

Quelque part vers le milieu du livre, on tombe sur le chef-d'oeuvre de Jim Marshall: une composition intimiste de 1968 montrant les trois soeurs Baez, acollées les unes aux autres sur une minuscule banquette. Elles sont toutes les trois chapeautées, elles paraissent si sages... sages comme des images. A gauche Joan, très sure d'elle, petite star (c'est la seule, vous l'aurez remarqué à avoir gardé ses chaussures... c'est à ces détails qu'on reconnait les divas). Au centre Pauline, la timide, qui a choisi de cacher ses yeux sous un chapeau années 30 tout tordu. Pauline, qui a si peur du vedettariat que ses jambes sont tendues, à la limite de craquer (pourtant, sur la planche contact c'est elle que l'on voit rire aux éclats, c'est elle la soeur décontractée, the sister no-star...). Et à droite, exténuante d'élégance dans sa robe tee-shirt rayée: Mimi. Mimi Farina, la plus mutine des trois soeurs Baez. Surtout ne pas se fier à ses mains croisées de petite fille modèle : la soeur sauvage, c'est elle. Un parangon de coolitude aux dires de tout ceux qui l'ont approchée. En 1963, à 17 ans, en fugue à Paris elle avait épousé Richard Farina, le meilleur ami de Dylan, qui en avait fait son modèle en tout: en défonce comme en radicalité (le freewheeler lui aurait, dit-on, beaucoup fait les poches sans toujours lui rendre la monnaie de sa pièce). Richard Farina s'est tué en moto le 30 avril 1966. Deux jours avant sortait son premier roman, tout en excès et rebellion (avec rien moins que Pynchon pour premier fan) qu'il avait eu l'ironie suicidaire d'intituler L'Avenir n'est plus ce qu'il était. Tu disais...?



Jim Marshall, Proof, Chronicle Books, San Francisco, 2004

1 comment:

  1. Pour les dylanophiles distraits, cette précision: le roman de Richard Farina, L'avenir n'est plus ce qu'il était, est dispo en France chez Calman Levy, et aussi dans une édition poche 10:18. Freelance (Groover Lewis à Rolling Stone), de Philippe Garnier vient quant à lui de sortir chez Grasset. L'a-t-on dit? c'est aux yeux de bcp d'entre nous (gatitox, karine, redinorep, myself...) le livre le plus important sorti ces derniers mois...

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