Thursday, 26 November 2009
Les Alligators souriants, 1992 (cd)
Cet audiobook rare est plus rare qu'un livre rare. Les Alligators souriants se présentait sous la forme d’un cd protégé par une couverture carton orange qui, une fois dépliée, nous laissait coi. Il y avait, en 70 minutes et 23 hypnotiques secondes, un télescopage de voix : 22 écrivains se lisant... Soit un croisement NASA entre les époques, les régions, les langues. Jean Genet présentait son pedigrée, Pasternak s’exprimait en français, Joyce récitait Finnegans wake, Gombrowicz fustigeait les prix littéraires, Kerouac jazzait, Artaud hurlait: asilaire, Pound, Schmidt et Celan sonnaient poétiques, Müller théatral et Bret Easton Ellis exposait le tout frais cadavre d’American Psycho…
Personne ne parlait encore de sampler. Et tout ça avait littéralement valeur de manifeste. Voilà plus qu'un simple disque: un mauvais coup porté à la bêtise et à la laideur, fomenté en attelage par les éditions Tristram (Jean-Hubert Gaillot et Sylvie Martigny, qui depuis Auch nous sauvent en éditant ceux qui comptent – Vollmann, Ballard, Lester Bangs, Bourgeade, Schmidt…) et l’éphémère revue L’immature (émanation littéraire des Inrockuptibles, qui ne connut – hélas- qu’une poignée de numéros au début des années 90; elle était dirigée par Hadrien Laroche et Michel Jourde). L’objet n’était pas à vendre : Tiré à très peu, il était offert à ceux qui lisaient les livres Tristram et la revue L’immature. Souvent, il s'agissait des mêmes.
Paradoxe (pour qui sait ce que font certains membres de ce blog dans le civil), en dix mois et 80 posts, on n’avait encore jamais mis de sons à disposition sur Discipline in Disorder. C’est un peu Noël en novembre.
(Les Alligators... était divisé en 6 tracks/chapitres. Il vous suffit, as usual, de cliquer sur le titre. La tracklist des auteurs est dans l'ordre des apparitions et mentionne, quand c'est possible, la date des enregistrements. Les titres sont de l'éditeur).
(Very rare audiobook edited in France in 1992 in few copies by astonishing editor Tristram and born-dead revue L'immature: a compilation in six segments of 22 worldwide writters reading quotes of their own. Litterature from the vaults. Download.)
Planètes – Jean Genet (1949), Valère Novarina (mai 1983), Georges Cheimonas (1990), Boris Pasternak (automne 1958) ((9:54))
Euphoriques – James Joyce (1929), Pierre Michon (septembre 1992), Witold Gombrowicz (1967), Arno Schmidt (édité en 1977) ((16:19))
Arpenter – Jack Kerouac (no date), John Ashberry (1975), Jean-Loup Tassard (mai 1992) ((12:17))
Au Large – Pier Paolo Pasolini (Mai 1974), Ezra Pound (no date), Claude Minière (mai 1983) ((5:20))
Fouille – Maurice Roche (1990), Paul Celan (1958) François Bon (avril 1992), Jude Stéfan (mai 1992) ((14:19))
Coups – Antonin Artaud (Juillet 1946), Heiner Müller (Juin 1992), Christine Angot (Janvier 1990), Jim Thompson (only one line, no date), Bret Easton Ellis (avril 1992) ((11:53))
Les Alligators souriants (voix d’écrivains), Tristram/L’immature, CD, 1992
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* nous laissait coi * [désolé, mon côté pisse-vinaigre eu égard à l'orthographe et à la syntaxe]
ReplyDeleteje lisais du Tristram, MBK surtout, mais j'ai effectivement jamais vu cet audio book... argh.
C'est corrigé. Sorry, l'écran du computer n'est pas mon support favori pour repérer mes fautes. MBK, bien sur. Cancer!!!
ReplyDeleteEt bien voilà, cet audio book est désormais tien.. (pochette exceptée).
you're welcome...
ReplyDeletec'est d'ailleurs étonnant comme cheminement vers Tristram, une sorte d'inverse qui s'est produite, un drôle de chemin des Inrocks vers 1994 à MBK puis à Tristram. Editeur étrange. j'aime beaucoup en fait.
et pour les fautes, désolé, c'est vraiment mon côté le plus pisse-froid... ^^
en tout cas, beau cadeau. y a aussi, mais c'est autre chose, des podcasts géniaux d'Angot sur France Q et de Badiou étrillant Raphaël Enthoven, que j'écoute de temps à autre, un bonheur.
Tout cela est beau et bien. Je lisais également à l'époque l'Immature, et les livres publiés par Tristram (MBK, Princesse Sapho, Pound, Maurice Roche).
ReplyDeleteMais Gombrowicz qui récite en polonais, c'est légèrement au-dessus de ma pauvre compréhension ! Ou Schmidt en allemand, c'est au-delà des mes maigres compétences de germaniste.
Cela dit, j'ai maintenant dans l'idée de retrouver l'interview de W.G par Michel Pollac et qui contenait une tirade typiquement gombrowicienne et absolument géniale sur la tarte aux pommes en France...
Si tu retrouves ça, c'est un guest Quote direct!
ReplyDeletePS: pour Flore, qui nous le demandait par mail, Heiner Müller récite Das Testament des Ödipus project. C'est enregistré à Paris le 13 juin 1992.
Alala ! c'étaient vraiment trop bien les 90's !
ReplyDeleteJ'adorais l'Immature et ce cd est aujourd'hui au fond d'un bac ikéa dans ma cave !
Je vois aussi que MBK nous a tous marqué ; un jour ma mère en pleine furie à déchirer Cancer, elle ne supportait pas MBK, elle est morte l'an passé d'un cancer.
Marqué par MBK peut-être à l'époque, mais aujourd'hui qu'en reste-t-il ?
ReplyDeleteThis comment has been removed by the author.
ReplyDeleteLes années 90's, à titre personnel, je ne suis sur d'avoir envie de les revivre pour tout l'or du monde (surtout le segment 90-94, avant que le MDMA nous change un peu les idées). Quant à Mehdi Belhaj kacem, j'ai beaucoup de suspicion envers le réflexe facile de vouloir désormais le reléguer au néant. Ok, il abuse. Mais bon, on a tous (une génération qui a entre 30 et 40, disons) voulu, inconsciemment ou pas, que vienne soudain un mec qui soit à la fois habité par l'écriture et qui possède une certaine classe. Après, qu'on lui reproche pas d'être poseur. Il faut juste savoir ce qu'on veut. Et puis, il reste les livres. Inégaux. Mais au moins il les a écrit, et de plus hors des sentiers battus, et à l'age où nous autres attendions dans des facs qui empestaient le Bolino que ça passe. Perso, je repense souvent à un terme qu'il m'a fait connaitre, dans l'Essence N de l'amour, "Aéralité". Un beau mot, une idée fantomatique, description d'une atmosphère chargée d'électricité amoureuse. Et aussi une transmission qui reste de la notion d'évènement chez Badiou (et comme à cette époque je n'avais pas lu Badiou, ce fut double bénef). S'il a tenu, de lui même, à placer son oeuvre littéraire derrière lui, et ainsi la fossiliser, il n'est pas dit que, de son travail philosophique en cours, n'advienne pas un jour ou l'autre quelque chose de totalement convainquant.
ReplyDeleteOh, je ne renie rien de mes plaisirs de jeunesse et je continuerai à avouer longtemps que Cancer, 1993, Irène Lepic furent des chocs. Au point même qu'à l'époque, j'avais écrit à l'auteur pour le rencontrer...
ReplyDeleteJ'ai été tout à fait heureux d'éviter la guérison et de retomber malade grâce à lui...
Non, ce qui me pose problème aujourdh'ui, c'est son virage philosophique évidemment, comme à tous les lecteurs. Mais aussi, que je n'arrive absolument plus à lire ces mêmes récits (romans) qui m'avaient frappé à l'époque.
Par fidélité à mon adolescence, je ne veux pourtant en dire aucun mal. Mais il m'est très difficile d'avoir un avis sur Kacem maintenant. Et il faut bien admettre que ce n'est pas "Esprit du nihilisme" qui va m'aider à y voir plus clair...
Je ne te visais pas directement, Pradoc. Je pensais plus exactement à un hebdo... T'as pas retrouvé la citation de WG sur la tarte aux pommes (c'est de saison, non?)?
ReplyDeleteGatito, je me demande si on n'a pas eu nous aussi dans l'année cette conversation sur MBK dans le couloir/fumoir du Rex Club lors d'une KilltheDJ?
ReplyDeletemerde à la fin ! "Vies et morts d'Irène Lepic" c'est quand même qqch... "1993", pareil... 'Kill your darlings' [Faulkner, W.], ok, mais pas tout , on peut pas. faut pas déconner quand même.
ReplyDeleteIvan, je crois qu'il est urgent qu'on fasse un post sur MBK, ou mieux: qu'on l'invite à répondre à un Below the Bottom shelf, (ou bien, à établir une playlist).
ReplyDeleteDésolé d'insister dans la contradiction et de m'incruster.
ReplyDeleteJe ne peux m'empêcher toujours à propos de MBK de regretter son passage à la philosophie.
J'aurais aimé lire sous sa plume des analyses littéraires, qu'il se confronte à ses lectures de Debord, Lautréamont, Thomas Bernhard. Voilà ce qui m'aurait semblé intéressant.
Car à vrai dire, il n'y pas dans toute l'histoire d'écrivain devenu philosophe, à part peut-être Kierkegaard.
Bon, admettons même qu'il soit le premier. Je n'en démords pas, il aurait été préférable qu'il suive le chemin de Barthes ou Bataille et livre en lieu et place de ses essais badiousistes, un petit volume de critiques littéraires.
Voilà. Et je m'excuse de profiter de la virtualité pour m'apesantir sur un débat qui doit certainement vous ennuyer, et ne pas savoir faire silence.
Oh je vois Debord aussi comme un écrivain devenu philosophe (ok, la BU de Beaubourg le range en sociologie...). Le Bataille de l'expérience intérieure, c'est de la philosophie là encore, et la littérature la précède (à Beaubourg, rayon anthropologie).Peut-être, tout simplement, ne en fais pas le distinguo, par manque d'adhésions aux catégories: Foucault, Michel de Certeau, Deleuze, Barthes, etc... me donnent une satisfaction littéraire complète... On remarquera surtout que j'essaye de faire diversion en racontant n'importe quoi sur tout un comment
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